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jeunes naïades font assaut de prouesses et de grâce. On affirme que les enfants et les jeunes gens se développent plus vite et mieux ici que dans les États-Unis ; il faut cependant retourner de temps en temps respirer l’air natal. Mais je voudrais que nos médecins coloniaux, que nos fonctionnaires, — les Gouverneurs et les Gouverneurs généraux d’abord, — vinssent ici constater, dans le pays qui était il y a peu d’années le plus meurtrier du globe, l’effet produit par la discipline sociale énergiquement imposée à tous : ils hésiteraient moins devant les précautions sanitaires et cesseraient de s’arrêter devant les plaisanteries faciles et les raisons pour ne rien faire, qui ne manquent jamais.

Le conseil municipal de Panama me reçoit solennellement et me nomme « hôte d’honneur » de la capitale. Une plaquette m’est remise pour commémorer cet événement et au cours de cette cérémonie j’écoute de beaux discours et des vers espagnols d’une superbe envolée. Cette réception est pleine de cordialité et elle se prolonge le lendemain par un grand déjeuner.

Selon la tradition, notre chargé d’affaires donne une réception à l’occasion de la Fête nationale et j’y prends contact avec la colonie française. Le soir, diner officiel et bal à bord du Jules Michelet où je réunis les autorités américaines et panaméennes. Le beau croiseur est en cale sèche, accosté dans les chantiers américains, en sorte que l’accès en est exceptionnellement facile. Deux mille personnes se pressent à bord ; le régime « sec » règne scrupuleusement dans la zone du canal, mais le bâtiment français reste sol national, et il serait du plus mauvais goût d’appliquer à bord les prohibitions établies récemment aux États-Unis ; aussi le buffet bien garni est-il très fréquenté.

Il est très tard, ou plutôt très tôt dans la matinée, quand je regagne l’hospitalière villa du général Babbitt, qui a donné le matin un lunch en notre honneur. Je constate une fois de plus la force des traditions militaires dans l’armée américaine : le général Babbitt sort de West Point (le Saint-Cyr des États-Unis) comme son père et ses deux grands pères : sa fille vient d’épouser un charmant officier, qui sort également de West Point.

L’armée des États-Unis ressemble beaucoup à notre armée coloniale et exige de tous les officiers de longues campagnes hors des pays civilisés de l’Amérique : autrefois, dans les territoires indiens ; aujourd’hui, au Texas ou sur la frontière du