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n’avaient pu reprendre ensuite, ayant été poussés dans une autre direction, fusillés, mitraillés, sabrés, anéantis. Il fut aussi question du nom que porterait la bataille, mais personne ne connaissait ces localités, ni le lieu où s’étaient donnés les plus grands coups. Puisqu’on ne savait encore rien du résultat définitif, la question resta sans solution.

Avec le jour, mon incertitude sur la partie du champ de bataille où nous avions passé la nuit se dissipa. Je reconnus, après avoir fait une tournée dans les environs, couverts de cadavres et de blessés qu’on enlevait, que nous étions à peu près à une demi-lieue sur la droite de la route de Brunn à Olmutz, et à la même distance de celle de Brunn à Austerlitz, ces deux routes se bifurquant près de la poste de Posaritz, où l’Empereur avait dû coucher.

Vers dix heures, nous partîmes pour Austerlitz ; mais avant de joindre la route à travers champs qui y conduit, on nous fit bivouaquer de nouveau pendant quelques heures. Enfin, nous arrivâmes de nuit à Austerlitz. L’Empereur couchait au château de cette petite ville et y remplaçait les empereurs Alexandre et François II, qui en étaient partis le matin.

Dans la journée, il nous fut fait lecture de la proclamation de l’Empereur à l’armée commençant par ces mots : « Soldats, je suis content de vous, » et finissant par cette phrase : « Il suffira de dire : J’étais à la bataille d’Austerlitz, pour qu’on vous réponde : Voilà un brave ! »

Le matin de ce jour, deux bataillons de grenadiers et deux de chasseurs furent réunis et dirigés sur la route de la Hongrie ; après quatre heures de marche, on nous fit prendre à droite de la route et position sur une hauteur, avec de la cavalerie et de l’artillerie de la Garde ; plus loin, sur la même ligne, était aussi de la troupe de ligne ; en avant de nous, un peu plus bas, on voyait l’Empereur se chauffant à un feu de bivouac, entouré de son état-major.

Sur la colline en feu étaient des troupes ennemies en bataille. Nous crûmes d’abord qu’une affaire allait s’engager, mais, après quelques instants d’attente, arrivèrent deux belles voitures, entourées d’officiers et de cavaliers, d’où je vis descendre un personnage en uniforme blanc, au-devant duquel se rendit l’empereur Napoléon.

Nous comprimes facilement alors que c’était une entrevue