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pour le Camp de Boulogne, et l’on se tint prêt pour faire partie de cette armée destinée à être jetée sur les côtes d’Angleterre. Nous étions sous les armes, le logement parti, les bagages chargés, on n’attendait plus que le général Boulès pour faire par le flanc droit, marcher en avant et crier ; Vive la gloire. Mais ce fut tout le contraire. Nous fîmes par le flanc gauche, et reçûmes l’ordre de rentrer dans nos chambres.

Les bruits de guerre avec l’Autriche qui circulaient depuis quelque temps s’accrurent d’heure en heure, et au lieu d’aller sur cette côte de fer, où une armée intrépide se réjouissait de passer le détroit pour attaquer corps à corps cette perfide Albion, comme disaient les journaux, nous fûmes dirigés sur le Rhin où tant de glorieux souvenirs appelaient l’armée française. Nous étions restés à Paris quarante-quatre jours !


L’EMPEREUR A STRASBOURG

Barrès quitte Paris le 31 août. Après un pénible voyage, il arrive le 23 septembre à Strasbourg, où l’Empereur fait son entrée trois jours plus tard :

26 septembre. — Arrivée de l’Empereur (4 vendémiaire) ; son entrée solennelle, triomphale et pleine d’allégresse. Les Strasbourgeois firent tous leurs efforts pour en faire une fête alsacienne et ils réussirent à donner à cette pompe militaire un éclat merveilleux. La flèche de la cathédrale fut complètement illuminée. Cette pyramide de feu, au milieu de la nuit la plus obscure, faisait un délicieux effet.

Depuis le 20, une partie des troupes du Camp de Boulogne, celles venant de l’intérieur et la garde impériale arrivaient à Strasbourg par toutes les portes, prenaient les approvisionnements qui leur étaient nécessaires et se dirigeaient sur le Rhin qu’elles passaient à Kehl. Elles s’organisaient définitivement sur la rive droite, en attendant l’ordre de marcher en avant. Pendant plusieurs jours, Strasbourg fut rempli de troupes. Les hommes et les chevaux bivouaquaient dans les rues ; les voitures de l’artillerie, des équipages et des approvisionnements les encombraient : c’était un pelo-mêle à ne pas s’y reconnaître. C’est ainsi que je vis passer le 5e corps, commandé par le maréchal Lannes, toute la cavalerie de réserve sous les ordres du prince Murat, le grand parc de l’armée, etc., sans compter