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d’avenir. L’idée de voir Paris, de connaître la France et peut-être des pays étrangers, me fit accepter tout de suite la proposition qui m’était faite, sans trop songer au difficile engagement que j’allais prendre. Mais en y réfléchissant plus mûrement, je me décidai sans peine à confirmer ma résolution spontanée, malgré tous les efforts que mes parents firent pour me dissuader d’entrer dans une aussi pénible et périlleuse carrière.


MON ADMISSION AUX VÉLITES DE LA GARDE

Le 18 mai (28 floréal), le jour même que Napoléon Bonaparte, premier Consul, fut proclamé et salué Empereur des Français, le ministre de la Guerre, Alexandre Berthier, signait l’admission aux vélites des vingt-cinq jeunes gens du département qui s’étaient présentés pour y entrer.

Le 20 juin, je me rendis au Puy pour recevoir ma lettre de service, et passer la revue de départ qui était fixée au 25. Je partis la veille pour voir encore une fois mes bons parents. Je restai dans ma famille jusqu’au 27. Les derniers moments furent douloureux pour mon excellente et bien-aimée mère. Mon père, moins démonstratif et plus raisonnable, montra plus de fermeté ou de sang-froid pour ne pas trop exciter mes regrets. Des larmes dans tous les yeux, la tristesse peinte sur tous les visages qui m’entouraient, m’émurent profondément et m’ôtaient tout mon courage. Après avoir payé ma dette à la nature, je partis au galop pour cacher mes pleurs.

Quelques heures après, j’étais à Issoire où je trouvai mes compagnons de voyage, mes futurs camarades de giberne. Je me mis aussitôt sous les ordres du premier chef que ma nouvelle carrière me donnait. C’était un lieutenant du 21e régiment d’infanterie légère, Corse de naissance, un des braves de l’expédition d’Egypte, très original, peu instruit, mais excellent homme. Il s’appelait Paravagna. Ce n’était pas une petite mission que celle de conduire à Paris vingt-cinq jeunes têtes passablement indépendantes, et n’ayant encore aucun sentiment des devoirs que nous imposait notre position de recrues et de subordination. Il était secondé par un sergent qu’on n’écoutait pas.


La pensée de ce journal me vint en janvier 1805, lors de mon départ de Paris pour l’Italie. Je l’ai toujours tenu avec