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et de la France ? Ils tiennent déjà virtuellement l’Anatolie tout entière ; leur en offrir l’évacuation ne sera plus regardé par eux comme une concession. Reste la Thrace, que les détroits mettent hors de portée de l’armée turque. Nous avons dit ici déjà qu’il nous paraissait légitime d’élargir jusqu’à la ligne Enos-Midia le territoire trop exigu laissé aux Turcs autour de Constantinople. Quant à la Thrace occidentale, qui fut, après l’armistice, si heureusement gouvernée par le général Charpy, pourquoi ne pas la remettre, comme un dépôt, à la Société des Nations qui se chargerait de l’administrer pendant quinze ans ? Le moment est venu de trancher dans le vif et de prendre des décisions rapides. Les Alliés doivent avoir leurs vues et les faire prévaloir. Les Turcs, vaincus de la Grande Guerre, ne sauraient régler par leur seule volonté, même après leurs succès en Anatolie, l’avenir de leurs anciens territoires. La politique imprudente de lord Curzon et de M. Lloyd George a dangereusement exalté l’orgueil et le fanatisme tures. Le désastre de la politique anglo-hellénique atteint aussi, par ricochet, les intérêts de la France, puissance musulmane. Loin de se réjouir, elle déplore que ses avis aient été méprisés et ses intentions méconnues. En Egypte, en Mésopotamie, le prestige des Anglais est ébranlé ; l’opinion musulmane est irritée contre eux ; aux Indes, les troubles renaissent. La politique française en Anatolie avait été durement critiquée, naguère encore, par M. Lloyd George ; à l’usage, elle se révèle prudente et avisée. A l’égard de la Russie bolchéviste, l’événement aussi a donné raison à nos prévisions. Un jour viendra où l’opinion anglaise comprendra enfin que, vis-à-vis de l’Allemagne aussi, nos conceptions sont justes, et imposera à son Gouvernement, dans la question des réparations, une politique plus conforme aux vrais intérêts permanents des deux pays, et de l’Allemagne elle-même.

Le 31 août a été signé à Marienbad un traité d’alliance entre la Tchécoslovaquie et le royaume des Serbes, Croates et Slovènes ; le roi Alexandre a eu une entrevue avec le président Masaryk. Le 2 septembre, la troisième Assemblée générale de la Société des Nations s’est ouverte à Genève. Ce sont là deux faits d’importance sur lesquels nous reviendrons, mais qu’il fallait situer à leur date.


RENÉ PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.