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tandis que l’intendance anglaise comptait les siennes au prix fort et en les majorant pour tenir compte des frais généraux et des droits de sortie touchés par le fisc britannique.

Nous avons tenu à donner toute la substance de la note capitale de M. Poincaré parce qu’elle a été accueillie en Angleterre avec surprise et mauvaise humeur ; elle ne fait cependant qu’énoncer, en termes mesurés, des faits historiques dont l’esprit de justice des Anglais ne saurait longtemps méconnaître l’évidence. Nous n’ignorons rien des souffrances vaillamment supportées par l’Angleterre ; sont-elles comparables cependant à la destruction de nos villes, de nos industries, de la terre labourable elle-même ? Où sont, en Angleterre, Reims, Noyon, Albert, Lens, et tant d’autres ? Où les paisibles habitants massacrés par l’envahisseur ? L’opinion anglaise, en 1914, n’aurait pas laissé consommer la destruction de la France sans intervenir ; mais elle savait que le triomphe de l’Allemagne serait l’arrêt de mort de sa puissance sur mer et aux colonies et bientôt, pour elle aussi l’invasion. Ce sont bien ses propres intérêts, son propre salut, pour lesquels l’Angleterre a mobilisé ses flottes et envoyé ses armées sur le continent. La presse anglaise semble penser qu’il est inopportun et malséant de le rappeler. Le rappellerions-nous, si on ne l’oubliait ? Il est indiscutable encore que la victoire de l’Allemagne ne menaçait pas aussi directement les intérêts des États-Unis, que ceux de l’Angleterre. Peut-être ces vérités ont-elles froissé, en Angleterre, certaines susceptibilités, troublé certaines quiétudes, mais, avec la réflexion, la vérité éclaire et elle apaise. Depuis 1918, une campagne de calomnies et de dénigrement, qui n’a eu que trop d’échos en Angleterre, est menée sans répit contre la France ; ses actes sont dénaturés, ses intentions suspectées : elle est « impérialiste, » elle vise à l’hégémonie, elle veut annexer la moitié de l’Allemagne, elle songe à ravir à l’Angleterre la maîtrise des mers ! N’a-t-on pas dit, ces jours-ci encore, que c’est elle qui a poussé l’armée turque à l’offensive ? L’opinion, chez nous, est exaspérée de tant d’injustice. Elle voit l’effort puissant et généreux du travail français, les intentions droites et loyales de la politique française ; mais elle voit aussi que partout, que ce soit en Allemagne, en Orient, aux États-Unis, les intérêts et les droits de la France se heurtent au travail destructeur et antagoniste de la politique britannique. L’Angleterre manœuvre comme si son adversaire était la France. Et quand nous voyons le réconfort qu’en éprouve à Berlin la résistance allemande aux justes stipulations des traités ; quand nous constatons qu’à