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dans une prochaine conférence où tous les alliés intéressés, sans exception, seraient représentés. M. Poincaré établit une discrimination nécessaire entre les dettes de guerre interalliées et les dettes de réparations. L’argent n’a été que l’un des moyens de gagner la victoire. « Les dettes ont toutes été contractées dans l’intérêt de la cause commune, les achats qu’elles ont servi à faire ont tous contribué à la victoire. » Le but commun a été atteint ; « au point de vue moral, cette réalisation justifierait une annulation de ces dettes ; tout au moins on ne peut pas prétendre qu’elle ne donne pas à ces dettes un caractère différent de celui des dettes internationales ordinaires. » La dette de l’Allemagne, au contraire, est la réparation incomplète de destructions volontaires et pour la plupart inutiles.

L’argumentation de M. Poincaré est ici singulièrement forte. Les Alliés ont mis toutes leurs ressources dans l’effort de salut qui s’est terminé par la victoire ; chacun, selon ses facultés, a fourni ce dont il pouvait disposer ; les uns plus de matériel, les autres plus d’argent, la France plus d’hommes et plus de sang ; ceux-là seuls qui ont mis dans la commune entreprise plus d’argent auraient-ils droit à un remboursement ? La France, qui a été la plus éprouvée par la dévastation de son territoire, qui, du fait que les versements stipulés par le traité n’ont pas été effectués par l’Allemagne, a dû procéder elle-même à la reconstruction de ses régions dévastées, n’envisagera « aucun règlement des dettes qu’elle a contractées pendant la guerre, tant que les dépenses qu’elle a consenties et qu’elle aura à consentir pour la reconstitution de ses régions dévastées n’auront pas été couvertes par l’Allemagne directement ou par le moyen d’une combinaison qui lui permettrait de mobiliser le plus tut possible une partie suffisante de sa dette. »

Quant aux dettes de guerre elles-mêmes, M. Poincaré établit parmi elles des distinctions. Pour les créances américaines, « on ne peut oublier que les États-Unis sont entrés dans la guerre sans que leur existence fût directement menacée et pour défendre, avec leur honneur, les principes qui sont à la base de la civilisation, tandis que l’Angleterre, comme la France, avait, en outre, à sauvegarder non seulement son indépendance et son territoire, mais encore la vie, les biens et les moyens d’existence de ses nationaux. » Enfin, le montant de la créance britannique appelle une révision ; la Cour des comptes a attiré l’attention du Gouvernement français sur ce fait que notre intendance facturait ses fournitures à l’armée anglaise au tarif intérieur payé pour les cessions de service français à service français.