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sentiment de l’inutilité de la résistance, nous ne serions pas obligés aujourd’hui, à regret, d’envisager la nécessité d’employer la force. La question de méthode, entre les deux conceptions, n’est pas tranchée, elle n’est qu’ajournée. M. Poincaré a montré une fois de plus le prix qu’il attache au maintien de l’Entente cordiale, mais il n’a rien cédé, rien diminué, rien ajourné des droits de la France. Le ton de la presse anglaise, durant cette crise, a été significatif ; il a révélé toute l’importance que l’opinion britannique, de son côté, attache au maintien de l’Entente ; il est visible que la résolution de M. Poincaré d’agir seul, au besoin, en face de l’Allemagne, plutôt que de subir de nouvelles diminutions de la créance française, a fait, sur nos alliés de la grande guerre, une très forte impression. Le Times du 30, dans un leader remarquable, disait : « Nos hommes d’État doivent garder les yeux fixés sur ce fait qu’une alliance sur un pied d’égalité avec la France ne nous est pas moins nécessaire à nous aujourd’hui qu’à elle pendant la guerre, et qu’elle n’est pas moins nécessaire à l’Europe... Ni l’Angleterre, ni la France ne peuvent être en sécurité sans la certitude qu’en cas d’attaque non provoquée, elles peuvent compter mutuellement sur le secours immédiat et absolu l’une de l’autre. Si le peuple anglais a moins conscience de cette vérité que le peuple français, c’est parce que ce fait n’est pas présent à son esprit d’une façon aussi continuelle, en raison des souvenirs du passé, de la position géographique du pays ou des effets visibles et tangibles de la dernière invasion allemande ; mais un isolement, à l’époque actuelle, serait aussi dangereux pour nous que pour nos voisins. Nous ne sommes plus au temps où l’on pouvait parler du splendide isolement. Aujourd’hui, ce serait simplement de la témérité. » Il nous est rarement donné de lire dans la presse anglaise des considérations aussi élevées et aussi profondément justes.

Avant de partir pour Londres, M. Poincaré avait préparé un programme qui comportait le règlement des réparations et des dettes interalliées ; le Temps du 27 août en a publié les grandes lignes. La note Balfour a fâcheusement rétréci le débat. Aussitôt après la décision de la Commission des réparations, il était nécessaire de reprendre et d’élargir la discussion. Le 2 septembre, M. Poincaré a répondu à la note du 1er août ; sa note est remarquable par sa franchise, sa fermeté. Le Président du Conseil se plaît à reconnaître, avec le Gouvernement britannique, « que le problème des réparations ne peut recevoir de solution définitive, s’il n’est lié d’une façon quelconque au problème des dettes interalliées ; » ils devront être étudiés en commun