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de juger de la douceur et de la paix de son âme si dévouée. »

Nous en pouvons juger aussi par les lettres véritablement saintes du « bon ange » à l’ami lointain [1]. A Rome, le 25 mars 1840, Gounod était revenu aux pratiques religieuses de son enfance. Un an après (16 mars 1841), cette lettre lui rappelait la ferveur et les délices mystiques de ce retour :

« Mon bon et bien cher Charles, c’est un bon et pieux souvenir qui me fait t’écrire aujourd’hui. Je calcule que cette lettre pourra t’arriver le jour même de l’Annonciation de la Sainte Vierge, et ce jour-là a été marqué pour nous deux d’une trop grande joie pour que nous ne devions pas nous réunir dans la prière et dans l’action de grâces. Te souvient-il, cher ami, de cette touchante, de cette divine cérémonie qui se passa entre Dieu, les anges et nous, l’année dernière, en cette petite chapelle qui est dédiée à la sainte Mère de Dieu dans l’église du Gesù ? Te souvient-il que F. de L. et moi nous servions la messe ensemble au pieux et saint Père de Villefort, et que toi et Bousquet (un autre pensionnaire de la Villa Médicis,) vous étiez agenouillés dans la chapelle ; puis, que, lui pour la première fois de sa vie et toi pour la première fois depuis ton enfance, vous eûtes l’honneur et la joie céleste de recevoir en vous notre bien-aimé Seigneur J. -C. ; puis qu’à la sacristie, tous heureux et le cœur rempli, tous plus unis et plus frères que nous ne l’étions auparavant, nous nous embrassâmes de tout notre cœur et que toi, mon cher Charles, le visage tout baigné de larmes, tu me disais, du fond de ton âme : Oh ! tu ne ni avais pas trompé ! N’est-ce pas, cher ami, que ces souvenirs sont admirablement doux et qu’il fait bon célébrer l’anniversaire de pareilles fêtes [2]. »

Autre lettre, à peu près de la même époque : « J’ai bien joui de tes succès, j’en ai remercié Dieu et je l’ai prié de te conserver toujours dans la vérité et dans la charité, afin que tu chantes dignement ses miséricordes et que ta parole musicale prêche à beaucoup de cœurs de le bien aimer. Je compte si bien sur toi

  1. Nous avons cité naguère (voir notre Gounod) quelques-unes de ces lettres. Les autres sont inédites.
  2. « Lettre inédite communiquée par nous à M. M. Prud’homme et Dandelot et citée par eux dans leur ouvrage : Gounod, sa vie et ses œuvres, d’après des documents inédits. Paris, Delagrave, t. I, p. 71. « (Dom Bernard de Boisrouvray.)