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d’une coopération qui, n’ayant point pour but de nous aider à gagner la guerre, mais seulement d’empêcher l’Allemagne de la gagner, se considère aujourd’hui comme terminée.

Nous ne croyons pas que les Etats-Unis, à mesure qu’ils verront se découvrir la vérité, puissent persévérer longtemps dans cette attitude d’isolement et d’indifférence. Nous pensons surtout, et nous sommes fondés à espérer qu’ils comprendront de mieux en mieux la véritable nature des liens qui les unissent à la France. Tout rapproche les deux peuples : les souvenirs de l’alliance ancienne et la force d’un idéal commun, — tandis que rien ne les désunit, puisqu’ils ne peuvent se trouver en concurrence nulle part et qu’il n’existe entre eux aucune cause de conflit. Dans l’œuvre de perfectionnement intellectuel et de progrès artistique qu’ils poursuivent avec une méthode et un esprit de suite remarquables, les États-Unis se rendent compte, depuis quelques années, qu’ils sont arrivés au point où l’influence française peut être la plus efficace et la plus précieuse. Ils ont tiré de l’Angleterre tout ce qu’elle pouvait donner, puis emprunté à l’Allemagne tout ce qui leur était nécessaire de ses méthodes scientifiques, de ses laboratoires, de son organisation universitaire ou industrielle. L’humanisme français, le goût, la mesure, l’élégance, la clarté, la logique de notre génie apparaissent aux meilleurs esprits d’Amérique comme le plus désirable complément du vigoureux génie américain tel qu’il est aujourd’hui, et la langue française se répand de plus en plus. Ce rapprochement spirituel n’est que le prélude et la préparation d’une collaboration plus positive, qui d’ailleurs est destinée à devenir aussi une collaboration plus vaste.

Car c’est avec l’Europe tout entière, c’est avec le Vieux Monde que les Etats-Unis seront de plus en plus entraînés à associer leurs efforts. La solidarité économique suffirait à les y contraindre. La question de leur commerce extérieur ne se trouve-t-elle pas liée aujourd’hui au règlement des dettes alliées, au redressement des changes et au relèvement du marché russe ? Il est étrange que ces problèmes, qui préoccupent l’opinion publique comme le gouvernement, n’aient pas réussi à les intéresser ensemble aux problèmes européens avec lesquels ils sont étroitement liés. Aussi bien, les Etats-Unis sont devenus à leur tour une puissance mondiale, et il ne leur appartient plus, qu’ils le veuillent ou non, de s’isoler. Le