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politiques même, se sont trouvés en contact à Gênes avec les représentants des trente-quatre nations représentées et leur présence, ainsi que celle de l’ambassadeur américain, M. Child, atteste assez que le pays le plus riche du monde ne se désintéresse pas des problèmes que pose la reconstruction économique de tout un continent. Disons que les Etats-Unis s’isolent pour se recueillir. Leur isolement est donc provisoire. Ce qui est très regrettable, c’est que leur recueillement soit si prolongé, alors que le temps travaille contre tous ceux qui n’agissent pas. L’inaction des Etats-Unis serait moins regrettée en France si on y était moins convaincu que leur coopération aurait pu être infiniment utile et leur influence infiniment salutaire.

Un des meilleurs journalistes américains, le plus pénétrant observateur, peut-être, de la politique internationale, M. Frank H. Simonds, revenu en France après trois ans d’absence et résumant ses impressions dans un grand article publié par l’American Review of Reviews de mai, déclare avec netteté : « L’Allemagne est convaincue que, si elle continue à ne rien payer, la rivalité franco-anglaise la sauvera un jour. » La plus noble tâche de l’Amérique et la plus bienfaisante eût été d’aider à la solution de ce conflit. La New-York Tribune, rappelant que, depuis le mois de novembre 1918, on s’était souvent posé la question de savoir si l’Allemagne, après avoir perdu la guerre, allait gagner la paix, annonçait dès le 28 avril, que « la réponse à cette question est indiquée par les nouvelles de Gènes et le plaisir avec lequel l’Allemagne lit les journaux. » Pourquoi les États-Unis, qui nous ont aidés à gagner la guerre, n’ont-ils pas voulu nous aider à gagner la paix ? Ils attendent leur heure ? Pour avoir attendu trente-deux mois durant la période des batailles, ils ont bien failli arriver trop tard. Souhaitons pour nous et pour eux-mêmes qu’ils n’arrivent pas trop tard cette fois.

A moins qu’il ne faille en revenir à cette idée, que les États-Unis, en se rangeant à nos côtés comme « associés, » non comme « alliés, » entendaient signifier par là qu’ils mettaient en commun avec nous leurs efforts tout en réservant leur liberté quant aux résultats, et voulaient bien nous apporter de nouveaux moyens de vaincre sans partager nécessairement nos vues sur les conséquences de la victoire. La « paix sans victoire » du président Wilson serait restée le principe directeur