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paix... Pesez chaque mot ; il serait difficile d’y mettre à la fois plus d’ingratitude, plus d’injustice et plus d’insolence. Comment un Américain ose-t-il s’exprimer ainsi à l’égard d’un peuple dont toute sa nation exaltait encore hier le martyre et l’héroïsme, dans un transport d’enthousiasme ? Nous avons transcrit ces lignes parce qu’elles proclament, parce qu’elles crient l’effroyable versatilité de l’opinion américaine. Les vagues de sentiment se suivent, et l’une chasse l’autre. Celle-ci passera, quoi qu’en dise l’auteur de cet article quand il assure que le rôle joué par la France à Washington « ne peut pas être pardonné et ne sera pas pardonné. » Les journalistes américains n’écrivaient-ils pas naguère, — avec un peu plus de raison, — que le rôle joué par la France sur la Marne et à Verdun ne pouvait pas être oublié et ne serait pas oublié ? Cette double victoire, sans compter les autres, n’a eu pourtant d’autre effet, aux yeux de M. Mark Sullivan, que de faire de la France, « le nouveau pauvre parmi les nations, » « la parente pauvre de l’Amérique. » M. Mark Sullivan peut bien nous accorder, après cela, que l’opinion n’est pas immuable et que ses jugements ne sont pas éternels.

Aussi bien, le changement s’est déjà produit, et nous avons regagné à Gênes quelque peu du terrain perdu à Washington. L’attitude adoptée par la France, à l’égard des bolchévistes, a trouvé dans la presse américaine une approbation chaque jour plus marquée. Le New-York Herald (édition de New-York), publiait dans son numéro du 30 avril 1922, sous le titre : « La France a raison, » un éditorial où il proclamait que la France a raison en ce qui concerne les dettes de la Russie et la propriété des étrangers en Russie, raison quand elle s’élève énergiquement pour affirmer le caractère sacré des obligations et celui de la propriété étrangère, raison quand elle cherche à maintenir la Russie dans la voie de l’honneur, et où il déclarait « se ranger franchement du côté de la France en cette affaire, selon les imprescriptibles lois de la morale et selon les véritables intérêts de la Russie. »

D’autre part, les milieux officiels de Washington ne paraissent pas avoir eu jamais aucune confiance dans les résultats de la conférence de Gênes, notamment en ce qui concerne le règlement du problème russe. Une déclaration de M. Frank Vanderlip, le grand banquier de New-York, à l’envoyé spécial