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corps étrangers. C’est le problème de l’américanisation sur lequel on a tant parlé et écrit au cours des trois ou quatre dernières années. L’objet proposé est d’enseigner à ces nouveaux citoyens les principes essentiels de la démocratie américaine : le respect de la loi, les responsabilités de la liberté, et le devoir, pour chaque citoyen, de se hausser aux conditions qui lui permettront de prendre sa part dans la grande tâche commune d’assurer la justice sociale.

Toutes ces difficultés, que la guerre a exaspérées quand elle ne les a pas créées, et dont le peuple américain est tenté de rendre l’Europe responsable au moins pour une bonne part, ont exercé sur son attitude à l’égard du monde extérieur une influence que nous n’avons pas pris assez de soin de mesurer. Elles expliquent la tentation qu’il éprouve et le besoin qu’il ressent de se replier sur lui-même. Il estime en avoir fini avec la guerre, et il voudrait en avoir fini du même coup avec ceux qu’il aida à la mener à bonne fin. Il est impatient de se dégager des complications européennes, qui se prolongent et s’aggravent, au lieu de s’éclaircir et de se régler comme il l’avait espéré. Il revient à sa politique d’isolement et d’indépendance.


L’OPINION AMÉRICAINE ET LA FRANCE

Le Gouvernement des Etats-Unis avait d’abord estimé opportun de s’assurer par quelques précautions cette tranquillité si désirée et si nécessaire. Las d’observer sans y prendre une part active, — et sans les diriger surtout, — ces innombrables conférences alliées à l’égard desquelles il avait cru sage de se tenir en défiance, il résolut d’en organiser une chez lui dont il ferait le programme et conduirait les débats. Il fallait en trouver le thème : ce fut la limitation des armements. L’objet principal : le maintien de l’état actuel dans le Pacifique. Le résultat le plus net fut, en dehors de quelques avantages précis, positifs, immédiats, de détacher davantage l’Amérique de cette vieille Europe, dont elle voyait une fois de plus les rivalités, les jalousies, les défiances, telles qu’elles se manifestaient entre Français, Anglais, Italiens. Et la France surtout y parut, — y fut mise, à vrai dire, fort habilement, — en mauvaise posture, accusée de militarisme et d’impérialisme, parce qu’elle insistait sur les périls d’une situation qui ne ressemble pas à celle des