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C’est depuis trente ou quarante ans déjà que l’immigration est devenue aux Etats-Unis un problème social. Jusque-là plus des quatre cinquièmes des immigrants venaient du Canada et des pays du Nord de l’Europe, et se trouvaient, — ou du moins, semblaient se trouver, — par le sang, la langue, la religion, les coutumes, les idées politiques même, prédisposés à s’assimiler rapidement à la population américaine. A partir de 1880 et surtout de 1890, le Hongrois, le Polonais, le Russe, l’Italien, l’homme de l’Europe orientale et méridionale afflue dans le Nouveau Monde, poussé non plus par le désir d’y fonder de nouveaux foyers, mais par le simple appât du gain. Ces Immigrants, infiniment moins désirables, sont amenés par les agents des grandes compagnies de navigation ou par de vastes organisalions qui les enrôlent et les font travailler en bandes sous la direction de « padrones. » Leurs besoins minimes, leur genre de vie si différent du « standard » américain, les jettent dans la concurrence avec des exigences beaucoup moindres que celles de l’ouvrier national et provoquent ainsi une baisse des salaires. D’autre part, leur agglomération par milliers ou par centaines de mille quelquefois, dans les bas-fonds ou les faubourgs des villes, développe des foyers d’épidémie et met à la merci du politicien des suffrages qu’il peut acheter à bon marché. En 1900, il y avait à Chicago un peu plus et à New-York un peu moins de 77 p. 100 d’habitants de descendance étrangère, 72 p. 100 à Boston, la vieille capitale de la Nouvelle-Angleterre puritaine. On conçoit trop aisément quelle pénétration offrent de telles masses hétérogènes à ce qu’un historien américain appelle si bien « la perverse influence des propagandistes de la déloyauté, du mépris de la loi et de la haine des classes [1]. » Au début de mai 1921, le Sénat de Washington adoptait à l’unanimité, moins une voix, le projet de loi sur l’immigration qui limite l’admission des étrangers aux Etats-Unis. La nouvelle loi stipule que le nombre d’immigrants de chaque nationalité ne pourra dépasser 3 p. 100 du total des ressortissants de chaque nation étrangère aux Etats-Unis lors du recensement de 1910.

Limiter le nombre des immigrants ne suffit pas : il faut assimiler ceux qu’on accepte, ceux qui sont déjà entrés et qui constituent pour la santé de l’organisme national la menace de

  1. D. S. Muzzey, ouv. cité, p. 643.