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Toujours accompagné de M. de Carbonnel, je rends visite aux ministres étrangers, ceux de l’Entente et aussi ceux des Puissances restées neutres. Ma visite au ministre d’Espagne, avec lequel une petite difficulté s’était récemment élevée, a fait bonne impression : à vrai dire, les choses étaient à un point tel que cette simple démarche de courtoisie était inattendue : faite d’accord avec notre ministre, elle mettait au point un malentendu passager. Et les Espagnols de Tanger me saluent ; les employés des postes et télégraphes, tous Espagnols, sortent avec affectation de leur bureau pour manifester : les Français et les Marocains m’affirment que cette attitude est toute nouvelle et la jugent très significative. Sans m’exagérer la portée de ces gestes qui me paraissent tout naturels, je me félicite de cet heureux augure, et de débuter comme élément de concorde sur une terre que ravagent d’ardentes rivalités, prolongées au delà de toute mesure par la diplomatie européenne.

Ma réception par le ministre d’Angleterre a été particulièrement cordiale. Élevé à Tanger, qu’il n’a presque jamais quitté, sir Herbert White représente son pays depuis plus de trente ans. Certainement, le Foreign Office est content de ses services, car la manière du Gouvernement britannique est de récompenser sur place les agents dont il est satisfait ; bien que les intérêts anglais et français aient été souvent opposés les uns aux autres au Maroc, las rapports de sir Herbert avec les nombreux ministres de France qui se sont succédé à Tanger depuis son arrivée ont toujours été excellents. Mais sir Herbert a soixante-cinq ans et doit songer à une retraite qui sera regrettée par les deux Gouvernements. Ces visites nous ont promenés dans la ville et les environs, et je constate un grand progrès dans l’état des routes et les plantations d’arbres qui représentent ici, non seulement l’agrément, mais aussi la santé. Le soir, un dîner suivi d’une réception réunit à la Légation de France le corps diplomatique et l’élite de la colonie française. Je constate l’excellente situation de notre ministre, son influence sur les colonies étrangères, son autorité sur ses nationaux.


7 juin.

Pendant la matinée, je reçois à bord du Michelet tous les groupements français de Tanger. Les anciens combattants les réunissent, par leurs ramifications dans tous les milieux, et les fondent dans une touchante union. Trois cents petits