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questions sont connexes. L’Autriche est en avance d’une année dans la voie de la décomposition financière, économique et sociale, mais l’Allemagne suit avec une rapidité vertigineuse la même pente ; le mark, hier, valait encore un centime ; mais cent couronnes ne valent plus que deux centimes ! Nous avons expliqué, le 1er juillet, à propos de la formation du Cabinet Seipel, les projets très sages du nouveau chancelier. L’Autriche n’est qu’un petit État de six millions d’habitants ; elle demande qu’on l’aide à sortir de la terrible situation où la dislocation de l’ancien Empire et les tergiversations des Alliés l’ont plongée ; elle se prête à toutes les combinaisons, pourvu qu’elle y trouve le salut et l’indépendance. Mais les remèdes arrivent trop tard ou sont trop anodins. On a donné à l’Autriche des crédits, mais sans en préciser l’emploi, ni en contrôler l’application : si bien que la Notbank, la banque de détresse, que le Gouvernement a décidé de créer et qui doit devenir la pierre angulaire du nouvel édifice économique et financier, n’a pas encore vu le jour faute des 100 millions de francs-or qui doivent constituer son capital. Les 55 millions de francs votés par le Parlement français seraient employés à garantir l’émission de nouveaux billets en attendant la rentrée de l’emprunt forcé intérieur et des impôts et la possibilité d’émission d’un emprunt extérieur qui serait réalisé aussitôt la couronne stabilisée, conformément au plan du Comité financier de la Société des Nations. Il suffirait que cet emprunt fût de 25 millions de livres répartis sur quatre années et garantis par le revenu des douanes (environ 4 millions de livres par an).

Ainsi, à la condition d’agir stns délai, le salut de l’Autriche apparaît réalisable, et même relativement facile. L’Autriche travaille, produit, mais la crise monétaire est si grave et entrave à tel point le rétablissement de la vie normale que tous les efforts du cabinet Seipel ne parviennent qu’avec peine à retarder les progrès de l’anarchie et du bolchévisme. Le désespoir peut pousser un peuple qui manque de cohésion nationale et d’énergie patriotique aux solutions extrêmes. Son chef, Mgr Seipel, crie sa misère et appelle au secours de son pays qui ne veut pas mourir. Il était le 20 août à Prague où il a eu avec M. Benès d’importants entretiens. Ce n’est pas l’un des spectacles historiques les moins caractéristiques de notre temps que Vienne abritant sa misère sous l’égide de Prague. M. Benès sait mieux que personne toute l’importance du problème autrichien : à lui d’indiquer les mesures à prendre ; le concours de la France lui est acquis. Les ministres des Affaires