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la France, la politique de M. Lloyd George n’a été plus nuisible. Si, dès 1919, l’Allemagne avait senti la puissante solidarité d’intérêts qui devrait unir la France et ses alliés, elle ne se serait pas laissé entraîner à une politique de résistance qui a ruiné ses finances, qui mène son industrie à la catastrophe et qui accule son Gouvernement à une impasse dont il ne voit plus l’issue. Établir sa loyauté, prouver que, pour son nouveau Gouvernement, les traités ne sont pas des chiffons de papier, et que l’obligation de réparer n’est pas un vain mot, auraient mis l’Allemagne sur la bonne voie, celle qui conduit à la réconciliation des peuples dans la justice et le respect de tous les droits. Un jour viendra, qui n’est peut-être pas éloigné, où les conseils flatteurs de lord d’Abernon apparaîtront aux Allemands plus dangereux que les sommations justifiées de M. Poincaré.

La parole est, pour le moment, à la Commission des réparations, qualifiée pour se prononcer sur la question du moratorium. Ses délégués sont à Berlin. Sir John Bradbury se flatte que ses conseils amèneront le Gouvernement du Reich à remettre à la Commission ces mêmes gages qu’à Londres M. Lloyd George lui déniait le droit d’exiger. Puisse-t-il y réussir ! La présence en Allemagne de M. Keynes, qui fait une conférence à Hambourg sur le problème des réparations, ne l’y aidera sans doute pas. Au retour de ses délégués, la Commission prendra une décision. Si la Belgique vote avec la France, le moratorium sera rejeté, le président ayant droit à un double vote, et c’est seulement à la prochaine échéance que, si l’Allemagne ne payait pas, la Commission constaterait un manquement, et que des sanctions s’imposeraient. Si, au contraire, le représentant de la France restant seul de son avis, le moratorium est accordé, il appartiendra à M, Poincaré de décider sous quelle forme et à quelle heure se produira l’action indépendante de la France.

En tout état de cause, il faudra reprendre, avec toute l’ampleur nécessaire, l’examen général de la question des réparations ; elle est connexe à celle des dettes interalliées. Non pas, certes, qu’il y ait, comme l’a fortement dit M. Poincaré à Bar-le-Duc, « la moindre comparaison à établir entre ce que l’Allemagne doit aux Alliés et ce que les Alliés se doivent entre eux. Confondre des dettes aussi distinctes serait la plus monstrueuse des iniquités ; » mais « il est bien évident que cette question générale des dettes interalliées pèse lourdement sur les changes et sur l’état économique universel et qu’elle appelle un règlement d’ensemble. » On envisage déjà une conférence qui se réunirait à l’automne à Bruxelles. Il appartiendrait à la