Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des contes innombrables. Mais, pendant longtemps, il lutte en vain pour les faire imprimer. Nulle part, on n’en veut. De peu de métier, ne connaissant personne autour de lui qui, peu ou prou, s’intéresse aux lettres, ne sachant pas « comment est fait un éditeur, » il tâtonne, fait d’empiriques progrès. Un jour enfin, un éditeur lui achète un de ses contes cinq dollars, puis un autre trente. En 1900, son premier livre est imprimé. Il a vingt-quatre ans. Dès lors, il écrit, sans arrêt, sans relâche, pendant seize ans. « Partisan, dit-il, du travail régulier et obligatoire, qui ne doit point attendre la soi-disant inspiration, » il entasse les nouvelles et les romans, et bientôt il est comme talonné par le goût de l’argent, par le succès inespéré et considérable.

Voilà cet homme d’aventures devenu une machine à copie. Il est riche. Il s’installe et s’établit comme un bourgeois, se marie, devient propriétaire d’un admirable domaine en Californie, qu’avec une passion de rural il agrandit chaque année, et dans lequel il bâtit une des plus belles villas de la contrée, Glen Ellen, dans la vallée du Sonoma. Cela même n’arrête pas, du reste, son espèce de fureur nomade. Il fait de longs voyages en Europe, séjourne en Angleterre, touche l’Océanie, les mers du Sud, revient et repart. C’est dans l’ile d’Hawaï qu’il meurt, à quarante ans, d’alcoolisme, disent les uns, d’après les autres, de surmenage.

En cette période de seize ans, de son premier à son dernier livre, il en avait composé et publié cinquante... souvent il en paraissait trois dans la même année. Il s’était engagé au Metropolitan qui l’exploitait comme une mine ; et il produisait, vaille que vaille, mille mots par jour. Travail de forçat, dont même les voyages ne le délivraient pas.


Les livres de Jack London peuvent se répartir en trois catégories. Des romans plus ou moins autobiographiques, où il a exprimé sa conception de lui-même et du destin, comme Martin Eden, John Barleycorn, the Valley of the Moon, ou même the Game : on y peut joindre ses études de l’injustice sociale, car tous ces livres sont essentiellement subjectifs. Ensuite, ses récits de voyages, et surtout de voyages en mer, romans comme the Mutiny of the Elsinore, the Sea-Wolf, Turtles of Tasmany,