Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UN ROMANCIER CALIFORNIEN

JACK LONDON

Les dons les plus rares de création et d’imagination départis à un homme, et des circonstances contraires à leur développement l’empêchant de les manifester pleinement, tel parait avoir été le destin littéraire de Jack London.

Il est mort pendant la guerre, en 1916, et il a fallu le drame dont nous étions alors occupés, corps et âmes, pour que sa disparition passât chez nous inaperçue : car cet écrivain américain comptait des amis en France, où l’un de ses plus beaux livres, The Call of the Wild, « l’Appel de la Forêt, » avait été traduit presque dès sa publication [1], et il nous avait touchés par son sentiment de la grande aventure, par son amour du monde sauvage, vide et vacant, de ce que le mot anglais, intraduisible et plein de prestige, appelle the wild.

Par là du reste, Jack London enrichit une tradition américaine : c’est une lignée nombreuse, aux Etats-Unis, que celle des conteurs d’aventures, depuis Fenimore Cooper jusqu’à Mr. Steward E. White. Mais il se distingue parmi eux, non seulement parce qu’il est le plus brillamment doué et le plus original, mais encore parce qu’il est le chef, l’ainé de tous ceux qui ont décrit ce que l’on peut appeler la vie sauvage moderne.

C’est pour cela, sans doute, qu’il plaît tant aux civilisés : il fait appel, en tout homme, à ses instincts, latents ou avérés, de vie plus audacieuse et plus libre. Le sédentaire rêve, grâce à

  1. A la Renaissance du Livre, avec une préface par M. Paul Bourget.