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Il convient d’ailleurs de ne pas oublier, à propos de ce texte de Poincaré, que le « postulatum d’Euclide, » auquel Poincaré compare une vérité dont il ne veut pas qu’on suppose qu’il a douté, est un fait démenti par la réalité, et contraire à la nature du monde physique où nous vivons, sinon à la nature idéale d’une géométrie particulière. J’ai montré ailleurs (Einstein et l’Univers, passim) comment cela résulte notamment de l’incurvation des rayons lumineux au voisinage des masses matérielles, incurvation annoncée par Einstein et vérifiée depuis.

Il s’ensuit que la défense de Poincaré contre ceux qui l’accusaient de n’être pas sûr que Galilée avait raison, ou du moins que ses adversaires avaient tort, cette défense, dis-je, est encore beaucoup moins forte que Poincaré ne le croyait. Si, revenant parmi nous, il l’apprenait, en serait-il très désolé ? Je ne le crois pas.

Quoi qu’il en puisse être, nous venons de voir le point où Mach et Poincaré avaient laissé la question de la rotation terrestre.

C’était un point où la science ne pouvait stationner longtemps, une de ces étapes à la croisée de plusieurs chemins où la caravane humaine ne peut s’arrêter, tant est vif son besoin de savoir où elle va et de s’engager dans une voie qui l’éloigné des carrefours confus. Car la soif d’affirmer, de marcher, d’aller de l’avant, — fût-ce au besoin dans une direction funeste, — est une de celles qui tenaillent le plus âprement le pauvre cœur et le pauvre cerveau des hommes. Pascal l’a bien montré….. mais revenons à nos moutons.

En somme, Mach et Poincaré avaient laissé la question de la rotation terrestre à mi-côte de la solution. Leur point de vue pouvait finalement se résumer ainsi : Il n’y a, ou, du moins, on n’observe que des mouvements relatifs de corps par rapport à d’autres corps. Donc, les phénomènes engendrés par ce que nous appelons la rotation, et notamment les forces centrifuges, ne peuvent être rapportés à des repères absolus.

Mais cela étant supposé admis sans réserve, il restait à résoudre ces questions essentielles : Qu’est-ce donc que la rotation et qu’est-ce que les forces centrifuges ? Qu’est-ce qui les détermine ? Comment concilier, dans tous les cas, leur existence et leur grandeur, avec le principe de la relativité physique de tous les mouvements ?