Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’aplatissement de la terre, la rotation du pendule de Foucault et la giration des cyclones, les vents alizés, que sais-je encore ? Pour le ptoléméien, tous ces phénomènes n’ont entre eux aucun lien ; pour le copernicien, ils sont engendrés par une même cause. En disant : la terre tourne, j’affirme que tous ces phénomènes ont un rapport intime, et cela est vrai, et cela reste vrai, bien qu’il n’y ait pas et qu’il ne puisse y avoir d’espace absolu...

« La vérité pour laquelle Galilée a souffert reste donc la vérité, encore qu’elle n’ait pas tout à fait le même sens que pour le vulgaire et que son vrai sens soit plus subtil, plus profond et plus riche ! »

Si éloquente que soit cette protestation fameuse de Poincaré, oserai-je avouer qu’elle ne fait que confirmer la fameuse formule qui avait déchaîné la tempête : « Ces deux propositions : la terre tourne, et : il est plus commode de supposer que la terre tourne, ont un seul et même sens. »

Ce que personne n’a fait remarquer, je crois, dans ce débat, et ce qui est pourtant l’essentiel, c’est ceci : Poincaré a en somme avancé que les adversaires de Galilée pouvaient avoir raison, et que Galilée avait aussi raison, c’est-à-dire que les uns et l’autre étaient à la fois dans le vrai, seul le langage employé étant différent. Il est donc évident qu’il n’y avait pas lieu à condamnation en tout état de cause et qu’il n’est pas juste de condamner pour ses opinions un homme qui a la même opinion que son juge, et simplement parce qu’il l’exprime dans un langage un peu différent. Malheureusement, les adversaires de Galilée n’étaient pas relativistes, pas plus que Galilée lui-même en l’occurrence, sans quoi ils ne s’y fussent pas trompés.

Il y avait pourtant des relativistes dans ce temps-là Ce n’étaient d’ailleurs ni les coperniciens, ni les ptoléméiens, mais quelques personnes qui cherchaient à pratiquer, pour des raisons d’opportunité ou de sagesse, la doctrine du juste milieu.

Parmi ces relativistes d’alors, il convient de citer Tycho-Brahé qui, observateur et expérimentateur admirable, a d’ailleurs émis des idées tout à fait absurdes sur le système du monde. Mais parmi ces erreurs se sont glissées quelques perles précieuses. J’emprunte ce passage à un texte de Tycho-Brahé opportunément résumé par M. Painlevé. « Nos observations, disait en substance l’astronome danois, n’atteignent que des mouvements relatifs : nous n’avons aucune raison d’affirmer que