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clairement, son véritable état d’esprit. M. Clemenceau a eu raison de réveiller une autre affaire que les Alliés semblent désormais vouloir laisser dormir et dont cependant l’importance morale avait frappé jadis le Gouvernement britannique. Que deviennent les procès contre les officiers coupables de crimes de droit commun ? Les inculpés devaient nous être livrés ; ils ne l’ont pas été ; nous avons consenti à ce qu’ils fussent jugés à Leipzig ; il y ont été acquittés ; nous avons retiré nos dossiers. Et puis ? J’ai parcouru cet été toute une région désolée où, dans chaque commune, se retrouvent les traces de forfaits allemands, incendies, pillages, assassinats. Est-ce parce que nous souhaitons de supprimer la guerre que nous allons commencer par en innocenter les horreurs systématiques et inutiles ? Notre faiblesse a, du reste, produit ici vis à vis de l’Allemagne son effet habituel. Nous voyant hésiter, tarder, reculer, le Reich a pris l’offensive et maintenant on parle sérieusement à Berlin de nous communiquer, si nous revenons à la charge, une contre-liste d’officiers français qui auraient malmené des prisonniers allemands. Ce qui n’était, il y a quelques mois, qu’une facétie de journal est aujourd’hui une manœuvre politique ; ce sera demain un expédient diplomatique. Inutile de dire que la liste est un tissu de calomnies odieuses. Mais qu’importe ? On essaiera de frapper l’imagination et de troubler la conscience des neutres, et ce n’est pas seulement sur les origines de la guerre qu’on cherchera à tromper l’opinion universelle, c’est sur la manière même dont la guerre a été conduite. Laissez faire et, avant peu, ce seront les Français qui auront inventé les gaz toxiques et asphyxiants, inauguré les bombardements de villes ouvertes, fusillé des civils, déporté des femmes et des jeunes filles.

Vous pensez bien qu’à mesure que le vieux dieu allemand rectifiera ainsi l’histoire, pour l’édification des générations futures, notre créance s’en ira de plus en plus en fumée. Les sanctions économiques dont je parlais il y a quinze jours viennent d’être levées, sans qu’aucune entente fût encore établie entre l’Allemagne et les Alliés sur le fonctionnement du contrôle douanier. Il a suffi que l’Allemagne versât un milliard de marks pour qu’elle reçût ce nouveau cadeau. Mais qu’était-ce donc que ce milliard, qu’elle s’est procuré, du reste, de son propre aveu, par des emprunts à des banques des pays alliés ? C’était un des douze qu’elle redevait sur la provision de vingt milliards de marks or prévue par l’article 235. Cette provision, elle s’était engagée à la payer en or, en marchandises ou en valeurs, avant le l, r mai 11)21, Le 15 mars, la Commission des Réparations