Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/957

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui a été dérobé. Elle a patienté, elle a attendu, et loin de jamais devancer l’Allemagne dans les préparatifs militaires, elle ne l’a suivie qu’à grande distance et n’a pas cessé de demeurer sur la défensive.

Dans sa folie d’impérialisme, l’Allemagne nous a déclaré la guerre ; elle a été vaincue ; et, quoi qu’on pense de la paix de Versailles, on est bien forcé de reconnaître qu’au rebours de ce qu’avait fait l’Empire en 1871, la France n’a pas annexé la moindre parcelle de sol étranger. Elle a recouvré les trois départements qui lui avaient été pris et toutes les élections qui y ont eu lieu depuis ont homologué cette restitution. Mais elle n’a même pas retrouvé ses frontières de 1814 et le traité ne lui a pas attribué le territoire de la Sarre, dont le sort sera réglé par un plébiscite ultérieur. Elle n’a pas certes abusé de sa victoire. Elle aurait pu aisément la pousser plus loin. Elle l’a volontairement arrêtée au moment où ses armées allaient pénétrer en pays ennemi. Le vainqueur a été envahi, pillé, ruiné ; le vaincu est resté indemne. L’Allemagne devrait donc se résigner sans trop de peine à une paix qui l’a épargnée et qui, même à en supposer toutes les clauses exécutées, nous laisserait encore des charges énormes. Si l’esprit de revanche commence, dès maintenant, à s’éveiller dans la République allemande, c’est que la République ne diffère guère de l’Empire et que le militarisme germanique, qu’on nous disait mort, est encore vivant. Depuis plus de deux ans, le Reich s’est chargé de nous faire cette démonstration. Combien de temps les Alliés auront-ils des yeux pour ne pas voir ?

La Commission interalliée de contrôle, que préside le général Nollet, vient de nous donner un nouvel avertissement. Non seulement l’Allemagne n’a respecté aucun des délais que lui a si généreusement accordés le Conseil suprême pour exécuter les prescriptions du traité de Versailles relatives à son désarmement terrestre et aérien ; mais elle a reconstitué, sous le nom de police de sûreté, toute une armée à l’état potentiel. Elle s’est précipitée avidement sur toutes les concessions qui lui étaient faites par les Alliés, mais des conditions qui lui avaient été signifiées en contre-partie elle s’est bien gardée de tenir le moindre compte. Il avait été précisé, par exemple, que la police de sûreté ne serait pas centralisée, qu’elle ne composerait pas un grand corps unifié, qu’elle ne serait pas tout entière dans la main du Reich, qu’elle serait, au contraire, composée de formations distinctes, relevant des autorités locales. On espérait qu’ainsi elle ne deviendrait pas l’armature d’une vaste organisation militaire. Mais le premier soin qu’a pris l’Allemagne a été de donner