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ou fait disparaître le bénéfice qu’il avait escompté. D’autre part, la hausse indéfinie du change correspond à un abaissement indéfini de la valeur de la monnaie indigène, qui, dès lors, tend vers zéro. Que restera-t-il entre les mains des porteurs de billets de la Reichsbank, le jour où les prix de toute chose auront été multipliés par des coefficients en progression ininterrompue ?

Cela est tellement vrai que, déjà aujourd’hui, les Allemands établissent une distinction entre la valeur des biens mesurés par leur expression numérique en marks-papier et ce qu’ils appellent la valeur effective, sach werth. Ils désignent cette dernière par un certain poids d’or, qui doit servir de base à la fixation, dans la législation fiscale, de l’impôt à payer : c’est le système qu’on propose d’appliquer aux propriétaires d’immeubles, tant il est vrai qu’il est impossible de rien asseoir de solide sur la base mouvante d’une monnaie fiduciaire dont le volume est arbitrairement accru.


IV. — LA SITUATION DE L’ALLEMAGNE

Nous avons rappelé les exemples classiques des billets de la Banque royale de Law avec lesquels s’étaient échafaudées les folles spéculations de la rue Quincampoix, des assignats de la première République qui bouleversèrent la vie économique de la France pendant plusieurs années. Les uns comme les autres tombèrent à rien et ruinèrent leurs porteurs. Aujourd’hui, nous voyons la Russie inondée de roubles papier, qui n’ont pas cessé de se déprécier, à mesure qu’on en augmentait le nombre, et qui n’ont déjà plus guère que la valeur du papier sur lequel] ils sont imprimés. L’Allemagne, si elle ne s’arrête pas dans la voie où elle est entrée depuis l’armistice, s’achemine vers une situation analogue.

Les observateurs superficiels n’ont voulu voir dans la création de nouveaux milliards de billets provoquée par les emprunts du Gouvernement allemand à la Reichsbank qu’une manœuvre habile des grands industriels d’outre-Rhih : par ce moyen, disait-on, les exportations sont stimulées, puisque la même somme de monnaie étrangère, reçue pour une même quantité de marchandises expédiée au dehors, s’échange contre un montant de plus en plus considérable de monnaie indigène,