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à enrichir les hommes, opèrent une formidable destruction de capitaux. En novembre 1918, la lutte est terminée. Les peuples respirent, comptent leurs morts, se remettent au travail. Il semble que de longues années seront nécessaires pour revenir aux chiffres de la production d’avant-guerre.

Aussi le même cri sort-il de toutes les poitrines : « produisons ! » On chante ce qu’on a appelé l’hymne à la production. Il semble impossible de dépasser, sous ce rapport, les besoins de l’humanité. Le retard n’est-il pas formidable ? Des milliers de fermes et d’usines n’ont-elles pas été détruites, des myriades de kilomètres carrés de terres fertiles condamnées à la stérilité et à la désolation ? L’Allemagne et l’Autriche bloquées pendant quatre ans, les régions dévastées de la France, de la Belgique, de l’Italie, de la Serbie n’ont-elles pas à refaire des approvisionnements qui vont exiger de longues années de travail ? D’ailleurs, les prix ne sont-ils pas là qui indiquent l’énormité des besoins et l’intensité de la demande ? Beaucoup de matières premières, de denrées alimentaires s’échangent à des cours qui représentent le double, le triple, le quadruple de ceux d’avant-guerre. Quelle excitation a la production ! Quelles perspectives de bénéfice pour ceux qui, se mettant énergiquement à la tâche, vont reconstituer les stocks de tout ce que les acheteurs réclament !

Ce n’est pas seulement l’industrie et l’agriculture qui sont ainsi stimulées. Les commerçants, ingénieux à satisfaire leurs clients, voient les demandes se multiplier. Il leur suffit de garder quelque temps des marchandises en magasin, pour que l’écoulement s’en opère à des prix en hausse, qui représentent non seulement le gain de l’intermédiaire, mais un profit additionnel, inespéré, qui résulte de l’ascension continue des cours.

Oui, mais le mouvement, pas plus qu’aucun de ceux qui se sont manifestés dans le même sens au cours de l’histoire, ne pouvait-être indéfini. D’une part, les besoins furent peu à peu satisfaits ; d’autre part, les demandes se ralentirent sous l’influence de divers facteurs : les États, qui avaient été, au cours des hostilités, d’insatiables consommateurs de toutes sortes d’objets, cessèrent leurs achats ; les particuliers, obligés de verser au fisc des impôts de plus en plus lourds pour subvenir aux charges léguées par la guerre, furent de moins en moins capables d’absorber tout ce qui leur était offert et de payer les prix qu’on leur