Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/841

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volontaires de la Convention, rêvant tous des plaines ensoleillées d’Italie, qu’ils voulaient conquérir ou délivrer. Aucun n’eut certainement de plus nobles, de plus hautes pensées et une plus belle confiance que notre poilu de la plus grande guerre, passant les Alpes pour secourir des alliés en péril. Et, dans la nuit claire et glacée, à l’heure où les longues files de camions, transformés en chambrées, s’éclairaient de lueurs clignotantes, on entendit résonner des voix qui s’élevaient, fredonnant les couplets de la Madelon, chanson aux sentiments simples, rythme mêlé de marche militaire et de naïve mélopée d’amour, où se trouve enclose toute l’âme du soldat de tous les temps. »

L’arrivée des premières sections à Briançon eut lieu au jour dit, avec quelques heures de retard : comme le chemin de fer avait, de son côté, un retard équivalent, tout allait bien.

Mais le plus fort restait à faire !


* * *

La route qui franchit les Alpes au col du Mont Genèvre date de 1802, comme le rappelle un bel obélisque élevé à son sommet ; mais elle a servi, en réalité, à presque toutes les armées. C’est que, abritée des vents du Nord par le mont lui-même et par le Chaberton (3 135 mètres) et exposée au Midi, elle offre le passage le meilleur et le plus sûr, du moins pendant six mois de l’année, de mai à octobre. Mais on était à l’entrée de l’hiver !

Le premier soin du Commissaire régulateur automobile de Briançon[1], une fois ses liaisons téléphoniques assurées, fut donc l’organisation du déblaiement des neiges. Celui-ci fut assuré par une compagnie de cantonniers français, une certaine quantité de travailleurs italiens et un millier de prisonniers autrichiens, qui se mirent à la besogne et ne devaient plus s’interrompre pendant tout l’hiver. On restait, certes, à la merci d’une de ces tempêtes violentes, si fréquentes en montagne, et dont les tourbillons forment, en quelques instants, d’énormes

  1. La date officielle de la création de la C. R. A. de Briançon est le 4 novembre à midi. Le commandant Doumenc, parti en automobile de Compiègne le 1er novembre, au matin, arrivait à Lyon le soir du même jour, après avoir inspecté les différentes colonnes en cours de marche ; le 2, il était à Briançon ; le 3, il faisait le parcours Mont-Genèvre, Césanne, Suse, Pignerol, col de Ses trières, Césanne, Briançon ; et, le 3, au soir, il réglait, à Briançon, l’organisation de la nouvelle C. R. A.