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Après chacune de ces reconnaissances, je rejoignais la division navale dans la baie d’Along, excellent mouillage séparé de la haute mer par une épaisse ceinture d’îlots rocheux dressant à pic, au-dessus des eaux calmes de cette vaste solitude, leurs hautes silhouettes aux formes étranges et variées, d’un aspect pittoresque.

La monotonie de notre vie à bord fut, un jour, troublée par l’arrivée, à toute vapeur, d’une petite canonnière venant d’Haï-phong et se dirigeant vers la Victorieuse. Quelques instants après qu’elle eut communiqué avec ce bâtiment, l’amiral me signala de faire prendre au Volta les dispositions nécessaires pour être prêta appareiller et de me rendre à ses ordres.

A mon arrivée sur la Victorieuse, j’appris la nouvelle sensationnelle que le commandant Rivière venait d’être tué dans une sortie malheureuse où ses troupes, enveloppées à l’improviste par un nombre très supérieur d’assaillants, avaient été en partie détruites. Il fallait donc combler au plus tôt les vides ainsi creusés dans une garnison déjà trop faible avant ces pertes, afin de garder à tout prix la citadelle d’Hanoï.

L’amiral décida, sur l’avis général, d’y envoyer sans retard, en renforts, les compagnies de débarquement de la division navale, sous les ordres de mon ami, le capitaine de frégate, Ch. Touchard, officier supérieur d’une haute valeur morale et professionnelle et qui avait donné, au siège de Paris, en 1870, la mesure de ses qualités militaires. Il me garda ensuite à dîner, pendant qu’on préparait mes instructions écrites, et m’avertit qu’aussitôt après il m’expédierait à Saigon avec la mission de demander au gouverneur général de l’Indo-Chine, M. Thomson, de lui envoyer, d’urgence, sur un paquebot : un bataillon, une batterie de campagne de troupes de la marine avec des vivres et des munitions et un général, pour commander les troupes à Hanoï et au Tonkin.

Après le dîner, je pris congé de l’amiral, muni de mes instructions et je fis route, dans la nuit, vers la haute mer, en profitant de cette occasion d’inaugurer la passe, dite du Volta, qui était de beaucoup la plus courte, et que j’avais découverte récemment dans une de mes reconnaissances hydrographiques.

Mais déjà apparaissaient les premiers signes précurseurs d’un typhon qui, heureusement, n’assaillit le Volta qu’assez loin des terres. Le bâtiment, s’étant bien comporté dans la tempête,