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L’amiral, m’ayant fait appeler pour m’annoncer cette décision bienveillante à mon-égard, me dit, d’un air encore attristé par le sacrifice pénible de son opinion, auquel il venait de consentir :

— Deux commandements de votre grade sont actuellement à pourvoir : l’un, dans l’escadre de la Méditerranée ; l’autre, le croiseur Volta, entrant en armement à Cherbourg, pour renforcer notre division navale de l’Extrême-Orient. Je vous donne vingt-quatre heures pour choisir entre les deux.

— Mon choix est tout fait, lui répondis-je aussitôt : c’est le Volta dont je vous demande instamment le commandement.

Il me regarda, un instant, puis il ajouta :

— Vous avez raison ; je ferais de même, à votre place : il faut toujours marcher au canon !

Il me serra alors affectueusement la main, en me souhaitant bon succès dans cette nouvelle épreuve de ma carrière maritime.


J’arrivai à Haïphong en avril, sur le Volta et j’y trouvai sur la Victorieuse, le contre-amiral Meyer, commandant en chef de notre division navale de l’Extrême-Orient.

Il me mit au courant, sommairement, des événements politiques, diplomatiques et militaires concernant notre situation au Tonkin. Il craignait, manifestement, d’être entraîné à des entreprises hasardeuses par les initiatives trop hardies du commandant Rivière qui, après s’être emparé, par un audacieux coup de main, à la tête d’une poignée d’hommes, de la citadelle d’Hanoï, la capitale du Tonkin, s’y maintenait résolument, malgré des alertes incessantes, au milieu de nombreux adversaires, Pavillons noirs et réguliers Chinois.

Aussi l’amiral faisait-il des vœux sincères pour le succès des négociations diplomatiques que son ami, M. Bourée, notre ministre à Pékin, poursuivait alors à Tien-Tsin, avec Li-Hong-Tchang dans l’espoir d’aboutir à un règlement pacifique de nos conflits en Indo-Chine.

Le rôle que me confia l’amiral fut de diriger sur la côte des reconnaissances hydrographiques et militaires ayant pour objet d’y recueillir des indications utiles à la navigation et d’en chasser les navires qui tentaient d’y débarquer des troupes chinoises.