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deux de mes officiers sur le bâtiment où il allait assister aux grandes manœuvres de sa flotte à l’embouchure du Peï-ho.

Il avait engagé, à cette occasion, un cuisinier français et s’était pourvu d’excellents vins pour nous traiter le mieux possible, à son bord, en nous y laissant d’ailleurs parfaitement à l’aise dans les logements et le carré des mandarins de sa suite, qui avaient été répartis, pour nous faire place, sur d’autres navires.

Nous étions naturellement, tous les trois, enchantés et curieux de voir à l’œuvre l’escadre chinoise dans ses évolutions sous les yeux de ce haut personnage de l’Empire.

À l’heure fixée, nous étions à bord, prêts à recevoir notre hôte éminent.

Son embarquement ne fut pas banal, car sa haute dignité ne lui permettant pas de descendre dans une embarcation, on avait construit une large passerelle volante pour qu’il put passer directement du quai au pont de son navire, ou d’un navire à l’autre, avec le cérémonial voulu, soutenu, de chaque côté, par un officier de sa suite.

Après avoir répondu à nos salutations respectueuses, en nous demandant si nous étions satisfaits de notre installation, il disparut dans ses appartements, pendant la descente de la rivière jusqu’au mouillage extérieur assigné à l’escadre.


* * *

Les exercices de signaux, de tirs et d’évolutions durèrent trois jours, pendant lesquels le vice-roi m’appelait fréquemment auprès de lui sur sa passerelle de commandement, me priant de lui donner, à leur sujet, les explications nécessaires et mes impressions personnelles.

Ses repas étaient des plus simples, il les prenait, entouré de ses secrétaires qui attendaient ses ordres, ou lui communiquaient les dépêches officielles. Il se rendait ensuite auprès de nous, dans notre carré, au moment où nous prenions le café, et, après s’être fait allumer une longue pipe chinoise, il nous narrait, avec animation et non sans orgueil, des épisodes de ses guerres contre les Taïpings. De son propre aveu, il n’aurait pu les vaincre, sans l’aide de corps franco-chinois et anglo-chinois, constitués et commandés, principalement, par des instructeurs et des officiers français et anglais, qu’il avait réunis fort à propos pour les combattre.