Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/766

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs poupes était leur véritable porte-respect et la sauvegarde effective des intérêts nationaux et privés qu’elles avaient mission d’y protéger.

Nos affaires étaient gérées, à Tien-Tsin, par un consul de carrière, M. Dillon, profondément pénétré de la conscience des devoirs de sa charge, bienveillant et affable, d’un caractère droit et ferme. Je reçus, de lui, le plus sympathique accueil : tout de suite, une confiance réciproque s’établit entre nous dans les fréquentes relations de service et de camaraderie qui devaient se prolonger pendant deux années d’hivernage.

M. Dillon, qui parlait couramment la langue chinoise, voulut bien m’offrir de me servir d’interprète, à titre purement amical et personnel, dans les circonstances inattendues que je vais relater, circonstances qui devaient m’entraîner, au gré de ma destinée aventureuse, à jouer un rôle de plus en plus actif et finalement décisif, six années plus tard, dans le règlement diplomatique de notre différend avec le Gouvernement chinois au sujet de notre occupation du Tonkin.


* * *

Dès ma première conversation avec notre consul, il me mit au courant des affaires de la Chine, qui le préoccupaient vivement. La Russie la menaçait d’une guerre imminente, en représailles. Le gouvernement de Pékin avait refusé de reconnaître le traité de Livadia, relatif à l’affaire de Kuldja, et dont son ambassadeur, Tchong-hô, avait cependant accepté les conditions en vertu de ses pleins pouvoirs.

A la suite de ce refus, le Tsar avait envoyé une escadre stationner au Japon, en attendant ses ordres, à proximité des côtes chinoises, et prescrit de concentrer une armée de 50 000 hommes sur la frontière en litige.

L’Impératrice régente, effrayée de ces préparatifs d’invasion par terre et par mer, avait fait appel, comme toujours ! dans les moments critiques, à Li-Hong-Tchang, vice-roi du Tchi-li, le plus sage et le prudent conseiller du Céleste Empire c’était lui qui, pour ses débuts d’homme d’Etat, avait déjà sauvé la dynastie de la dangereuse insurrection des Taïpings, en l’étouffant sous une répression impitoyable.

Or, Li-Hong-Tchang paraissait soucieux des graves responsabilités dont il était à nouveau chargé. Ainsi, il venait de