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Les sociétés industrielles et commerciales ne cessent de croître et de multiplier. Dans le seul mois de juin de cette année, il s’est créé cinquante et une sociétés minières et métallurgiques, quatre-vingt-sept fabriques de machines, cent onze sociétés de produits alimentaires, soixante-neuf sociétés pour l’achat et la revente de terrains, quatre-vingt-seize sociétés commerciales, etc. soit, au total, huit cent quatre-vingt-treize sociétés, dont soixante-douze par actions et huit cent vingt et une à responsabilité limitée, représentant dans l’ensemble trois cent vingt-huit millions quatre cent quatre-vingt-dix-huit mille marks.

Pendant qu’il naît ainsi constamment des sociétés nouvelles, les anciennes se développent et procèdent par augmentation de capital. Les grandes industries, qui faisaient avant la guerre la richesse de l’Allemagne et qui lui ont permis, pendant les hostilités, d’intensifier, si dangereusement pour nous, ses fabrications chimiques, ont décuplé leurs moyens d’action. A lui seul, le groupe de l’aniline, cruellement éprouvé, ces jours-ci, par un terrible accident, a absorbé, au mois de juin, quatre cent quatre-vingts millions de marks de capital frais ; dix-huit fabriques de produits chimiques, dont douze par actions, ont, dans le même temps, augmenté leur capital de soixante quatre millions soixante-trois mille marks ; les sociétés minières et métallurgiques, les fabriques de tissus, les fabriques de machines, les banques, les sociétés d’assurances, ont suivi le même mouvement. En un mois, trois cent quatre-vingt-une sociétés ont ainsi augmenté leur capital de un milliard sept cent quarante-huit millions cinq cent trente-six mille marks. Voilà les symptômes de malaise et d’indigence que nous relevons chez les Allemands, lorsqu’au lieu de les croire bénévolement sur parole, nous prenons la peine de regarder ce qui passe chez eux.

Il faut, d’ailleurs, reconnaître que, malgré tous ces signes d’activité et de renaissance économique, l’Allemagne reste exposée à de graves désordres intérieurs, et cela même est, pour nous, une raison supplémentaire de demeurer vigilants. Il y a quelques jours, dans l’intéressant bulletin de la presse allemande, qu’a fondé à Strasbourg le regretté docteur Bûcher, le nouveau directeur, M. Vermeil, analysant un remarquable article publié dans les Preussische Jahrbücher par M. Georg von Below, recherchait avec sagacité si le peuple allemand n’était pas décidément frappé d’une irrémédiable incapacité politique ; et il constatait que, de plus en plus, l’Allemagne est moralement désunie. M. Georg von Below avait dénombré les fatalités qui pèsent, d’après lui, sur les destinées du Reich : le morcellement