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sincérité quand ces hommes, sortis pour la plupart de la roture, répétaient à leurs élèves nobles que le nombre et le mérite des aïeux n’étaient pas une excuse. Ils avaient proscrit toutes les punitions d’un caractère à la fois humiliant et grotesque que gardaient encore les autres collèges. Passé 1587, l’usage de la férule ne fut plus admis. Quand le fouet était donné, c’était en particulier et jamais par un membre de la Compagnie. La plus haute noblesse n’en défendait pas les coupables. Le duc de Boufflers, élève de rhétorique, ayant soufflé des pois avec une sarbacane contre le P. Le Jay, le duc de Boufflers, gouverneur de Flandre en survivance et colonel de son régiment, fut fouetté. M. le Maréchal, son père, fit un beau tapage : il se plaignit au Roi, comme tel député de ma connaissance alla se plaindre au ministre que son fils eût été consigné. Le ministre dépêcha aussitôt un inspecteur général qui s’assura du reste que le professeur avait eu raison. Le Roi se contenta de sourire, et le Maréchal retira du collège son jeune colonel qui, dit-on, en mourut de chagrin. Mais la discipline des Pères n’allait pas jusqu’à empêcher ces élèves de devancer les vacances. Un mois avant, le tiers, puis la moitié, puis les trois cinquièmes s’étaient envolés. C’est ce que nous avons revu depuis une vingtaine d’années. Et dire que nous en rendions responsable l’esprit moderne ! Mais l’esprit moderne a définitivement répudié le système de surveillance des élèves par les élèves, qui conduit tout droit à l’espionnage et à la délation, et dont les Jésuites, comme tous les éducateurs de cette époque, usaient ouvertement.

Les classes étaient encombrées. En 1643, on disait que la plus grande classe de Clermont ne pouvait contenir que trois cents élèves ! Et au XVIIIe siècle la rhétorique du P. Porée atteignait ce chiffre extravagant. Ici, il faut pleinement admirer. « Chaque jour, à chaque classe, il n’y avait pas d’élève, pas un seul, qui pût se sentir délaissé, oublié, livré à lui-même, pas un qui ne fût tenu en haleine, pas un qui eût le loisir de somnoler discrètement ou de rêver. » Comment les Jésuites arrivaient-ils à ce résultat que nous obtenons rarement dans des classes six fois moins nombreuses ? Ils y parvenaient en associant les meilleurs élèves au professeur et en leur confiant un groupe de camarades. Ils organisaient dans la classe même une hiérarchie fondée sur le mérite ; ils la divisaient en deux camps dont chacun avait son consul, son imperator, son censeur, son