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qu’on sut que l'auteur, Jean Chatel, était un ancien élève des Jésuites, peut-être même un Jésuite déguisé, la ville prit les armes. C’était le soir ; on entendit sonner à toute volée le bourdon de Notre-Dame et les cloches des autres églises. La rue Saint-Jacques et les rues avoisinantes se remplirent de rumeurs et de torches. Les Pères, qui ne savaient rien, sursautèrent au bruit des coups qui ébranlaient la porte du Collège. On leur criait d’ouvrir de par le Roi. Ils ouvrent. On les rassemble deux par deux ; on les conduit au logis du sieur Brizard, capitaine du quartier, conseiller au Parlement. Toute la maison est occupée : sentinelles dans la cour des classes ; sentinelles dans la cour des pensionnaires ; rondes du haut en bas. Chatel, livré aux pires tortures, eut beau disculper ses anciens maîtres : ils n’en furent pas moins tenus pour responsables du crime et chassés. Le Collège fut mis sous séquestre ; ses biens et ses meubles, vendus.

Ce ne fut qu’en 1618 que les Jésuites, qui cependant avaient obtenu depuis 1603 leurs lettres de naturalisation, purent reprendre leur enseignement. L’Université, qui s’était réjouie de leur exil, n’y avait rien gagné. Un grand nombre d’élèves avaient rejoint les exilés. De 1618 à 1682, la situation du Collège s’accroît d’année en année. Mais ses ennemis ne désarment pas. Dès le lendemain de sa réouverture, l’Université défendait aux Principaux de loger dans leurs collèges les externes de Clermont et décidait de n’admettre aux grades académiques que les jeunes gens qui auraient suivi ses cours au moins trois ans. Le Parlement est irréconciliable. Le Jansénisme entreprend de déconsidérer la Compagnie dans l’opinion des chrétiens et de lui arracher la direction intellectuelle et spirituelle de la jeunesse. Le plus redoutable adversaire qui se soit jamais dressé contre elle est là, embusqué dans l’ombre même du Collège.

Quand on sortait par la grande porte, au-dessus de laquelle était inscrit Collegium Societatis Jesu, on avait devant soi la rue des Poirées, et presque à l’entrée de cette rue on voyait une auberge à l’enseigne du Roi Dagobert. En 1656, cette auberge reçut pendant quelques mois un hôte singulier qui se faisait appeler M. de Mons. Très réservé, très silencieux, cet homme au front largement découvert, au grand nez busqué, dont la physionomie volontaire et profonde avait souvent une expression de souffrance contenue, n’était probablement pas venu y chercher