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Aucune inscription pompeuse en l’honneur de celui qui, pour le malheur de son peuple, a vécu trop longtemps.


BUDAPEST — L’ÉQUIPÉE DU ROI CHARLES

François-Joseph est mort. Charles IV est en exil. Les Habsbourg remonteront-ils sur le trône ? L’occasion est bonne de retracer ici « l’équipée du roi Charles, » d’après les témoignages que j’ai pu recueillir sur place et les documents qui m’ont été communiqués à Vienne et à Budapest.

C’est, m’assure-t-on, dans les salons de l’aristocratie qu’est née l’idée d’une restauration des Habsbourg en Hongrie. Ce sont des femmes qui ont travaillé à la faire aboutir. Flattées d’avoir un rôle dans une affaire secrète et d’importance, elles ont voulu, comme d’autres chez nous aux XVIIe et XVIIIe siècles, jouer à la vie politique ; elles ont poussé le roi Charles à la plus folle des entreprises ; ce qui est plus grave, elles ont failli précipiter, de nouveau, les peuples dans la douleur et dans la ruine.


* * *

On est à la fin de la Semaine Sainte. Nul n’a été averti, parmi les plus fidèles partisans de l’ancien Roi. Secret absolu. On ne doit apprendre le retour de Charles IV que lorsqu’il sera rentré dans sa capitale et aura obligé les membres du Gouvernement à se retirer. Le président du Conseil, comte Téléki, est absent de Bude. Depuis le mercredi saint, 23 mars, il est en déplacement de chasse chez le comte Sigray, dont le château se trouve à quelque distance de Szombathely. Il y séjourne avec des amis et M. Graudsmith, commissaire américain à Budapest.

Brusquement, dans la nuit du 25 au 26, on vient le réveiller. Une carte lui est remise qui porte ces mots écrits à la hâte : « Venez vite ; un grand malheur est arrivé. » Téléki ne sait qu’imaginer. Lui-même dira par la suite : « Je pensais que l’amiral Horthy était mort… »

Un automobile attend. Téléki y monte avec le comte Sigray et se rend chez l’évêque Mikes où on lui a signalé que sa présence est indispensable. Là, on lui apprend que l’ex-roi Charles vient de débarquer. Son arrivée a stupéfié, l’évêque, ainsi que l’atteste formellement le chanoine Vass, ministre des cultes,