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plaisamment… Mieux qu’aucun, Arthur Schnitzler, l’auteur dramatique, a su la dépeindre : « Elle a dix-sept ou dix-huit ans… Elle est blonde et encore mince… Elle n’est pas d’une beauté fascinante, elle n’est pas d’une intelligence transcendante ; mais elle a le charme d’un soir de printemps… » Toujours sentimentale, elle a, depuis la guerre, perdu sa qualité essentielle : le désintéressement. Schnitzler lui-même le reconnaît. Comme je lui parlais de la Suesse Mædel :

— Que voulez-vous ? me dit-il, la vie est chère… les bas de soie aussi…


* * *

Un grand éditeur, que j’interroge sur la question du livre français en Autriche, me répond :

— Le livre français ? madame, il me faut vous répondre au passé. Avant 1914, tous les écrivains français qui étaient admirés en France, l’étaient également ici. La France faisait la mode, en littérature, comme elle la faisait pour les robes et les chapeaux. Aux romanciers allemands ou anglais, le public préférait les vôtres. Vos livres sont mieux écrits, mieux composés, plus intéressants. Depuis la guerre, notre goût ne s’est pas détourné de vous : ce sont vos livres qui nous sont devenus inaccessibles. Comptez à quel prix il me faut vendre un roman qui, à Paris, coûte 7 francs.

— 420 couronnes.

— Un tel prix, vous vous en rendez compte, est prohibitif. Alors, les éditeurs autrichiens, moi le premier, se sont mis à imprimer des auteurs français tombés dans le domaine public.

A portée de sa main, sur une table, il prend quelques volumes, habillés d’une reliure souple : le Père Goriot ; la petite Fadette ; Vigny ; Amiel… Il me les tend. Je les ouvre. Le papier est fin et blanc. Les caractères sont nets. Ce sont en somme des volumes très présentables. Je demande leur prix de revient :

— Nous possédons ici un outillage perfectionné, nous avons le papier en abondance, une main-d’œuvre qui, comparée à la vôtre, est à très bon marché, — de 50 pour 100 moins chère. Aussi un ouvrage comme ceux que vous regardez me revient exactement à 1 fr. 25. C’est là qu’est le danger pour vous : vos éditeurs, qui vendent très peu ici, bientôt n’y