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et les chrétiens-sociaux. Tous deux font fausse route. Les socialistes clament : « Confisquons le capital ! Cela nous permettra de diminuer la circulation du papier. La couronne remontera. » Les chrétiens-sociaux ripostent : « Obtenons de l’aide de l’étranger. Amenons l’Entente à nous ouvrir les crédits que, depuis si longtemps, elle nous promet. » Mauvais bergers ceux qui parlent ainsi. Un pays ne peut pas vivre d’emprunts et d’aumônes. Un peuple ne peut pas, infatigable quémandeur, demeurer la main tendue. La détresse économique de l’Autriche a son origine dans un mal moral. On peut donner à ce pays du charbon, des vivres, des vêtements ; ce qu’on n’a pas encore réussi à lui inculquer, c’est la volonté de s’aider lui-même. Ce peuple, à terre, se fait lourd pour ne pas être relevé.

— Alors, il n’y a pas de remède ?

— Je ne dis pas cela-Il y en a, et plusieurs : faire des économies, travailler. Mais jamais on n’a autant dépensé ; jamais on n’a voulu se donner moins de mal. On hausse les épaules : « Travailler ! pour gagner quelques centaines de couronnes ? ce n’est pas la peine. » Avez-vous remarqué le cireur de chaussures qui est sur un des rings ? Il y a toujours cinquante badauds occupés à le regarder manier ses brosses. Tout Vienne le connaît. Et tout Vienne en parle. On confesse : « Il n’y a que lui qui travaille ici ! » L’admirable est que ce cireur de bottes n’est pas Viennois, il est Turc !


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La princesse Hélène de Metternich, fille de cette fameuse princesse Pauline, ambassadrice à Paris, dont les contemporains de Napoléon III ont si souvent cité les mois d’esprit, s’occupe activement d’œuvres de charité. C’est d’elle que je tiens sur la misère à Vienne ces précieux renseignements :

— Les enfants ne sont plus malheureux. Vous avez pu les voir dans les rues, dans les squares. Ils ont de bonnes joues. Ils sautent et rient comme tous les enfants de tous les pays. Grâce aux secours qui nous ont été donnés, nous avons pu leur refaire une santé. Ceux qui restent dans la détresse sont, non seulement ceux de la classe moyenne, du Mittelstand, mais ceux de la classe jadis aisée. Comment vivre, à présent, avec un revenu de cinq à six cent mille couronnes ? Ajoutez que la plupart avaient leur fortune placée en valeurs autrichiennes. Vous