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L’opinion britannique fut loin de s’associer dans son ensemble à l’attitude de désinvolture sans scrupule qu’adopta ainsi le gouvernement sur la question des « représailles. » Mal informée des choses d’Irlande, lente à s’émouvoir, elle s’émut pourtant, et à partir de l’automne de 1920, le malaise, la gêne, le doute firent place à un sentiment très vif et général de réprobation. Dans toutes les classes, dans tous les partis, hors l’extrême-droite, dans tous les journaux depuis le Times jusqu’aux plus avancés, à la tribune et au parlement, des voix s’élevèrent de toutes parts pour protester contre les « représailles » et demander une enquête. Celles de Lord Robert Cecil et de Lord Grey furent les premières à se faire entendre ; MM. Asquith et Henderson, chefs des libéraux-radicaux et des travaillistes, ne manquèrent pas de se joindre aux attaques contre le gouvernement. Au cours de l’été de 1920, il s’était constitué à Londres, sous la présidence de Lord II. Cavendish Bentinck, un « Comité de la Paix avec l’Irlande, » avec cet objet de s’élever contre le régime « anarchique » des « représailles » et « d’en appeler à l’opinion pour défendre les principes fondamentaux de la loi et de la liberté britannique. » Puis c’est un comité d’Anglais catholiques où figure M. Hilaire Belloc, sir Philip Gibbs, etc. qui adresse au Premier ministre un mémoire à même fin. Le 17 novembre, dix-sept évêques anglicans publient une « résolution » demandant qu’un terme soit mis au terrorisme militaire : « Nous croyons que la force engendre la force, que les représailles font naître les représailles… » Entre temps, le parti travailliste envoie en Irlande M. Henderson avec une Commission d’enquête dont le rapport, publié en janvier, fait dans les milieux populaires une grosse impression. Le 22 février, l’archevêque protestant de Canterbury, primat d’Angleterre, dans un discours à la Chambre des Lords, appuie de son autorité les protestations, auxquelles se joignent les représentants de l’Angleterre intellectuelle, poètes, littérateurs, artistes et professeurs, par un manifeste vibrant où ils se déclarent « profondément humiliés » de l’état de choses en Irlande. Enfin, en avril, les hauts dignitaires du protestantisme anglais publient un appel au gouvernement où ils déclarent qu’il y a « une absolue illégalité, quelles que soient les provocations, à tenter de triompher du mal par une autre forme du mal également indéfendable, » et se plaignent que « la politique actuelle de l’Angleterre en Irlande cause un