Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/595

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certaine autorité ; les journaux unionistes rendent eux-mêmes témoignage à leur diligence et à leur compétence ; on voit des Anglais recourir à cette juridiction illégale, mais honnête et impartiale. L’agitation agraire avait commencé à se donner carrière, dans l’Ouest, à la faveur des troubles : les cours d’arbitrage répriment le désordre, et réussissent souvent à transférer des terres à l’amiable du propriétaire à l’exploitant. Cependant les tribunaux officiels se voient désertés ou empêchés de fonctionner ; les magistrates ou juges de paix démissionnent en masse ; jurés et témoins font défaut ; les accusés manquent souvent aussi, la police régulière ne réussissant pas à se saisir de leur personne. A Birr, le 8 juin 1920, on pouvait voir un juge royal siéger dans un tribunal vide, tandis que, de l’autre côté de la rue, une cour républicaine jugeait les affaires inscrites au rôle du premier.

Il arrive ainsi qu’au printemps de 1920, en bien des régions, l’autorité de la couronne n’est guère plus qu’un mot. Surpris par cette génération spontanée de pouvoirs extra-légaux, le gouvernement britannique a fléchi d’abord, et laissé faire. Mais il se reprend, et il riposte. Il fait la chasse aux juridictions révolutionnaires, il poursuit et emprisonne juges et policiers volontaires, avec ce résultat qu’il n’y a bientôt plus de justice du tout. Aux conseils locaux républicains il coupe les vivres en refusant les subventions ou parts d’impôt qu’il devait leur verser et qui représentent une grosse part de leurs ressources, de sorte que ces conseils, n’osant charger leurs administrés de lourdes taxes nouvelles, se voient bientôt à quia, forcés de réduire les services, de les supprimer parfois : parfois on relâche les aliénés, on ferme les hôpitaux. C’est l’anarchie locale. Comment cela pouvait-il finir ? La révolution pacifique ne saurait réussir que contre une autorité qui s’abandonne. La lutte ne pouvait se prolonger qu’en se transformant, en passant du terrain civil à celui des armes.

Parallèlement à ce travail intérieur, le « gouvernement » républicain poursuit d’ailleurs une action au dehors : il s’efforce, par une habile propagande, d’obtenir des Puissances la reconnaissance diplomatique et de donner à la question d’Irlande le caractère international. Dès le mois de janvier 1919, la Dail a lancé un « Appel aux Nations » où elle affirme les droits historiques et l’indépendance d’Erin, en demandant aux « Nations