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d’abord à constituer, usant à cette fin des procédés qu’il a toujours prônés, résistance passive, reconstruction d’Erin en dehors de la loi anglaise et malgré elle.

Dès le 21 janvier 1919 se réunit à Dublin l’Assemblée Nationale d’Irlande, la Dail Eireannt où sont convoqués tous les députés élus le mois précédent. Sur soixante-treize élus du Sinn Fein, trente-six sont alors en prison, quatre en exil, il n’y a qu’une trentaine de membres présents : jeunes gens pour la plupart, ardents, intransigeants, ignorant la crainte comme le compromis, sans expérience ni sens des réalités, et avec eux quelques hommes plus âgés, quelques « vieilles barbes » académiques. La Dail vote une solennelle Déclaration de l’Indépendance irlandaise, elle arrête une Constitution provisoire et élit un ministère de cinq membres. Dissoute au mois de septembre suivant, elle continue à se réunir secrètement par intervalles.

Le nouveau « Gouvernement » d’Irlande se pose en supposant au Gouvernement anglais en Irlande, qu’il s’ingénie à empêcher de gouverner, tout en s’efforçant de gouverner lui-même, et de créer pour son compte des institutions nationales qui se substitueraient peu à peu aux institutions établies. Entre le gouvernement britannique et le gouvernement républicain et révolutionnaire, la lutte s’engage, lutte où ce dernier marque d’abord de curieux succès.

Il s’occupe d’abord du bien-être économique du pays. Il fait procéder à des enquêtes sur les ressources nationales, travaille à créer des industries nouvelles, une flotte de commerce ; il lutte contre l’émigration, contre l’alcoolisme, contre l’abus des importations anglaises et des exportations de denrées alimentaires ; il émet un emprunt en Irlande, un autre en Amérique. Puis il met la main sur l’administration locale : aux élections de janvier et juin 1920, les assemblées de comtés, de districts, de villes, passent en grand nombre au Sinn Fein ; elles s’affilient à la Dail et affectent d’ignorer les autorités britanniques. Enfin il institue dans une bonne partie du pays une justice et une police, qui arrivent à fonctionner passablement. Des cours républicaines de justice se tiennent un peu partout, au criminel comme au civil ; il y en a, au mois de juin 1920, dans vingt-six comtés à la fois. Elles sont assistées par une police républicaine, composée de volontaires. Elles jouissent d’une