Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/567

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« bourrage de crâne. » C’est la Hollande qui a fourni à la poésie française ces deux morceaux d’art réaliste.

Enfin si l’on veut se représenter de quelle conséquence il fut pour la France que tant de ses enfants s’en allassent apprendre la guerre sous le prince Maurice, songez que Turenne, qui fut sept ou huit ans capitaine au régiment de Maisonneuve, sortit de cette école, et que Descartes y passa. Ces deux noms en disent assez.


II


Le registre de l’Université de Leyde, à la date du 8 mai 1615, porte deux inscriptions d’étudiants qui viennent de France.

May VIII. Joannes Lodovicus Balzatius, Sanctonensis, studiosus
jurisprudentiæ. Annorum XX. Bij Lowys de Moije.
Theophilus Viarius, Vasco, studiosus medicinæ. Annor. XXV.

Bij d’selve, vicinum R. V. Dni Joh. Polyandri.

Ainsi Jean-Louis de Balzac, Saintongeois, âgé de vingt ans, s’inscrit comme étudiant en droit, et Théophile de Viau, âgé de vingt-cinq ans, comme étudiant en médecine : ils sont logés tous les deux chez Louis de Moije, tout près du professeur Polyander. L’un est protestant, l’autre est catholique.

Pourquoi, comment sont-ils venus ?

Est-ce le pur attrait de la science qui les amène à Leyde ? Songez qu’ils paraissent avoir connu le professeur Baudius, mort en 1613, — qu’en 1613 les comédiens de Valeran le Comte donnent des représentations à Leyde, — que Théophile, il nous l’a dit, a été un temps le poète aux gages de la troupe, — qu’un certain Tristan l’Hermite est signalé dans un document hollandais comme s’étant fait voler des soieries, à Amsterdam, par une drôlesse, un soir qu’il était ivre (ce qui serait mis facilement d’accord avec un passage du Page disgracié) : si l’on rapproche tous ces faits, on voit se dessiner une jolie scène de Roman comique. Le troupe nomade tire après elle son auteur Théophile, et deux amis ; amis du poète, du théâtre, des comédiennes, ou de l’aventure ? ou de tout cela à la fois ? Et justement on rencontre Tristan échappé d’Angleterre. L’amusant canevas pour un Gautier ou un Banville !

Toujours est-il qu’en 1615, le Saintongeois et le Gascon, authentiquement cette fois, se retrouvent seuls à Leyde, et