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113 piquiers et mousquetaires. Après la bataille de Nieuport, on lui donne la compagnie Marescot dont le chef vient d’être tué ; blessé d’une balle de mousquet à la poitrine au siège de Bois-le-Duc, en garnison à Berg-op-Zoom pour sa convalescence, il prend part au siège de Grave, et il amène sa compagnie à Ostende que les Espagnols assiègent. C’est là qu’en 1603 la compagnie de « feu Schelandre » est donnée à son lieutenant La Caze.

Il est donc mort en pleine jeunesse. Et c’est dommage, vraiment dommage. Et qu’il s’appelle Robert, non pas Jean. Car ces deux faits malencontreux défendent à M. Gustave Cohen de reconnaître dans le capitaine du régiment Dommarville le poète de Tyr et Sidon, de cette tragédie de sang muée ensuite par son auteur en une tragi-comédie pittoresque, qui est sous ses deux formes l’une des œuvres les plus intéressantes du théâtre français avant Corneille. Quelle joie c’eût été pour un érudit de remplir les lacunes de la biographie de l’écrivain par les états de service du capitaine !

Mais la réalité ne s’ordonne pas pour la beauté de l’histoire ni le plaisir de l’historien.

Jean de Schelandre, le poète, est simplement le cadet de Robert. Il a servi aussi en Hollande, où il est venu rejoindre son frère en 1600, au sortir de l’Université de Heidelberg. Comme il ne fut sans doute que soldat ou lieutenant, les documents sont muets sur lui, à moins qu’il ne faille le reconnaître dans ce Salander cuirassier de la compagnie Villebon^ que nous nomme un document de 1609.

Mais si les documents se taisent du cadet, sa poésie parle : son poème sur la Bataille de Nieuport, surtout son Ode Pindarique sur le voyage fait par l’armée des États de Hollande l’an 1602 et sur la prise de Grave, sont d’une exactitude historique et topographique que M. Cohen a fort bien mise en lumière, et qui révèle le soldat.

On pourrait se demander en quoi il importe à la littérature française que ce poète provincial ait fait la guerre aux Pays-Bas plutôt qu’en Italie, et sous le prince Maurice plutôt que sous Rohan.

C’est que, malgré les mœurs soldatesques, il y avait tout de même une atmosphère, un esprit dans les troupes des États. Comme il y en aura dans l’armée de Rochambeau, en