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espagnole pour la défense du sol et la liberté de conscience ; précieux aussi pour ces marchands avisés qui, payant des bras étrangers pour les besognes nécessaires et improductives de la guerre, réservaient les forces vives de la nation pour l’activité qui crée la richesse, et voyaient d’ailleurs rentrer dans leur bourse l’argent que les soudards dépensaient dans le pays.

C’est une histoire épique que celle des régiments français. Le premier est formé en 1599 par Odet de la Noue, fils du fameux capitaine huguenot : 2 000 hommes répartis en dix compagnies. Les volontaires affluent si bien qu’à la mort du successeur de La Noue, — Henri de Coligny, sieur de Châtillon, petit-fils de l’amiral et neveu du Taciturne, — le régiment est dédoublé. Les nouveaux colonels sont Guillaume de Hallot, sieur de Dommarville, le lieutenant-colonel du premier régiment, et Léonidas de Béthune, un cousin de Sully.

Rude vie, rude guerre, rudes gens.

Nous pouvons imaginer ces héros d’autrefois d’après le règlement militaire et d’après un Traité hollandais du maniement d’armes ; les voici, casque en tête ou feutre à larges bords, avec un haut panache blanc ou rouge, fraise au cou ou ample collet, cuirasse devant et derrière, avec l’écharpe blanche ou multicolore en sautoir. Les piquiers ont la pique de dix-huit pieds ; les mousquetaires les lourds mousquets à balles de dix à la livre, et la fourchette où l’on appuie l’arme pour tirer ; les arquebusiers ont l’arquebuse qui porte balles de vingt à la livre. — Les piquiers protègent arquebusiers et mousquetaires pendant qu’ils rechargent leurs armes : la baïonnette n’est pas encore inventée. — Les régiments marchent au son des tambours et des trompettes, précédés d’immenses enseignes aux plis lourds.

Ces héros sont magnifiques, et pas commodes. Ils aiment le vin, le jeu, les femmes. Ils sont prompts à dégainer, surtout quand ils ont un peu bu. Ils dégainent contre les Anglais du régiment de Vère, contre les bourgeois, entre camarades. Ce ne sont que rixes et duels. Malheur aux officiers qui s’interposent ! Ils tuent un colonel ; ils blessent deux capitaines. Les brelans, les cabarets, les mauvais lieux les voient plus souvent que le prêche.

Bons huguenots d’ailleurs, à la morale près, et qui, s’ils ne vivent pas selon la loi de Christ, sauront mourir pour son