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Montréal, cependant, ne plaît qu’à demi à Louis Hémon, qui vient pour voir du pays neuf. « Elle ressemble trop à l’Europe, » et vers le printemps, il espère bien s’en aller plus loin.


5 décembre 1911.

« Le climat me va à merveille, et les manières un peu abruptes des indigènes me conviennent aussi fort bien.

« Dimanche dernier a été une des plus belles journées que j’aie encore vues ; température de 12 à 15 degrés au-dessous (centigrades), mais ciel d’Italie et soleil éclatant, au point qu’il paraît idiot de mettre un par-dessus. Le Saint-Laurent avait commencé à geler un peu, mais, ce soir, le thermomètre remonte… Tu pourrais peut-être m’envoyer un journal, de temps en temps… »

Déjà, lisant ces lignes, vous vous êtes dit, j’en suis sûr : « Il n’attendra pas le printemps ! Les bois l’attirent ; il rêve des paysages où l’homme est effacé ; il appartient à l’espèce des migrateurs, dont l’aile, tout à coup, s’ouvre, quand on les croit au repos ! Et, en effet, c’est en plein décembre que Louis Hémon s’est décidé à monter vers le Nord. Il a été jusqu’à Péribonka sur Péribonka, au Nord du lac Saint-Jean, puis il a descendu jusqu’au Sud du lac, et s’est établi, « pour deux ou trois mois, » à Saint-Gédéon, « deux jours plus près de la civilisation qu’à Péribonka. » Il fait froid, il faut soigneusement se cacher la figure, quand on sort. Mais « vous avez plus de chances que moi d’attraper des rhumes dans votre vilaine ville (Paris), où il pleut. C’est donc moi qui vous recommanderai de faire attention. »


Saint-Gédéon station, 9 février 1912.

« J’ai suivi dans les journaux canadiens, que j’ai entre les mains de temps en temps, l’élection présidentielle, avant d’en avoir des comptes rendus plus détaillés dans les journaux que tu m’envoies.

« Je suis également les nouvelles de la guerre ; mais les plus grands efforts d’imagination n’arrivent pas à me faire prévoir une guerre générale prochaine. Il me semble me souvenir que trois ou quatre fois, depuis que j’ai quitté Paris, lu m’as annoncé que « ton entourage » prédisait la guerre à brève échéance… Ton entourage a perdu ma confiance comme agence de prophéties.