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Je n’ai pas pu m’en empêcher,
En vous oyant si bien chinter,
J’ai cru que c’était un’ sirène,
Ça s’appell’ chinter comme un’ reine.
Et puis vous êtes belle à voir.

Badine et rien de plus sur des paroles de ce genre, sur d’autres, plus loin, la musique cesse de rire. Il y a là certain air de ténor qui commence d’exquise manière et déroule, dans le style fleuri d’autrefois, de lentes et caressantes vocalises. Admirons, peu après, quelle merveilleuse ouvrière est la musique et ce qu’elle peut faire, en chantant, de cela même qui mériterait à peine d’être dit. L’heure du repas approche. Le batelier vient en informer baigneur et baigneuses qui s’attardent. Son appel, en paroles seulement, ne serait rien, et ne mériterait qu’une phrase, à peine. En musique, il devient un air, presque un grand air, et dont la grandeur absorbe, au lieu de la souligner, la petitesse même et l’insignifiance du sujet. Pour la musique, j’entends pour cette musique-là, pas de détail insignifiant. Elle se plaît, elle s’amuse aux moindres gestes, aux plus menus propos. Comme les trois petites femmes avaient quitté leurs vêtements tout à l’heure, elles les reprennent, et la seconde opération, menée aussi lestement que la première, est l’occasion d’un trio délicieux. Nous disions plus haut qu’un contemporain de Hamal le comparait à la Fontaine, pour la modestie. Sous un autre aspect, dans le second acte du Voyage de Chaudfontaine, le poète des Contes, plutôt que des Fables, se serait peut-être assez volontiers reconnu.

Rabelais eût goûté le dernier acte, où triomphe la bonne chère. La musique l’y célèbre par endroits avec une véritable puissance. Au commencement, soli, duos, trios rapides, ne font que paraître et disparaître, entraînés dans le tourbillon d’un chœur général qui tantôt se partage et tantôt se rassemble en vigoureux unisson. Parmi les airs à boire, à manger, à danser, le galant caporal ne manque pas de glisser, à l’adresse de Tonton, un air encore, un dernier air « à aimer. » Cet air, qui n’en est un qu’à peine, ne consistant guère qu’en une phrase, est précédé par quelques mesures de récitatif, de recitativo secco, mais qu’on hésite pour le coup à nommer ainsi, tant il a de charme. La mélodie, une fois encore, n’est pas indigne de Gluck, du Gluck aimable, souriant, langoureux même, que daignait être le musicien d’Armide et surtout de Renaud. Une fois encore, la dernière, une ombre de sentiment vient à passer. Elle enveloppe, elle adoucit fin moment le relief et le brillant de formes sonores où sans cela