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UN MÉFAIT DU DÉBOISEMENT

Les forêts françaises ont subi depuis un siècle à peine deux terribles saignées. Elles ont été saccagées de 1791 à 1803, puis considérablement appauvries pendant la guerre 1914-1918. Avant de chercher les moyens de remédier à ces dévastations, il convient d’examiner un des contre-coups qu’a fait rejaillir sur notre génération la première saignée.


I. — LES DESTRUCTIONS FORESTIÈRES DU XVIIIe SIÈCLE

L’armure végétale de la France a été saccagée pendant les dernières années du XVIIIe siècle, principalement pendant la période 1791-1803, où nulle loi n’interdisait le défrichement. « Les uns, a dit Michelet, défrichèrent pour avoir des terrains à cultiver ; d’autres pratiquèrent des coupes inconsidérées où les troupeaux vinrent pâturer ; enfin, les plus pauvres brûlaient les arbres pour en lessiver les cendres, afin d’en extraire les sels de potasse impérieusement réclamés pour la fabrication de la poudre destinée aux armées défendant les frontières de la France. » Breynat estimait, dans les Annales forestières de 1851, qu’un tiers des forêts françaises avait alors disparu, et cette indication concorde avec celle de l’inspecteur des Forêts, Antonin Rousset, évaluant la diminution de l’aire forestière à cinq millions d’hectares.

D’après ces données, le taux général de boisement est descendu, pendant les huit années 1791-1803, de vingt-sept à dix-sept et demi pour cent. Il ne différait guère auparavant du taux normal de boisement, que les écrivains forestiers s’accordent à fixer au tiers de la superficie totale, ni du taux optimum pour l’élevage, auquel M. de Roquette-Buisson assigne le chiffre de