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visiteurs qu’elle recevait avant la guerre[1]. Il n’en faut pas plus pour que les commerçants se désolent et que les journaux du cru poussent un cri de détresse : « Cette excitation continuelle contre les troupes noires finira par nous conduire à une situation sans issue, » gémit l’Oeffentlicher Anzeiger de Kreuznach (20 juillet 1920). Un mois plus tôt, le premier bourgmestre de Worms s’était rendu à Berlin pour y dépeindre les funestes effets de la campagne. et, comme les municipalités des villes lésées supplient les journalistes d’outre-Rhin de venir vérifier sur place l’état réel des choses, elles reçoivent la visite d’un certain nombre d’entre eux qui se laissent gagner à la cause de l’honnêteté. L’envoyé spécial de la Berliner Montagpost, entre autres, dénonce carrément la manœuvre :

« Il y a en particulier une Américaine du nom de Miss Beveridge qui semble considérer comme de son devoir essentiel de répandre en Allemagne non occupée des contes sanguinaires sur les atrocités imputées aux troupes d’occupation. C’est ainsi qu’une nouvelle fit récemment le tour des journaux intéressés à reproduire ces sortes de contes et aux termes de laquelle des centaines de cadavres de femmes seraient évacués chaque semaine de certaines rues de Mayence et de Wiesbaden. Il est clair que pas un mot de tout ceci n’est vrai. Mais, pour retrouver l’origine de la rumeur, je me suis mis en rapport avec les chefs de service de l’administration municipale et de l’établissement thermal de Wiesbaden et les ai priés de me faire connaître leur opinion. Ces messieurs, qui recueillent soigneusement toutes les informations de ce genre, m’ont déclaré que celle-ci et bien d’autres qui lui ressemblent, étaient fausses de tous points. »

En revanche, le même publiciste s’est convaincu que « passablement de femmes et de jeunes filles allemandes, oublieuses de leur honneur, assiègent le soir, en bandes bruyantes, les casernes des Français et des Marocains. » Le Christliche Pilger de Spire n’avait pas dit autre chose, dans son fameux article du 9 mai 1920 où, réfutant Morel, il expliquait que, si l’on entendait des plaintes en Rhénanie, elles visaient beaucoup moins les troupes d’occupation que « celle catégorie de jeunes

  1. Cette année, la saison y eût été pire encore sans la féconde initiative de M. Tirard qui sut y ramener l’affluence des bons jours en y organisant, avec un plein succès, l’exposition d’art français dont M. Henry Bidou a rendu compte dans la Revue.