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arrière-pensée à ses responsabilités, libre de s’entendre avec l’Irlande nationale qui ne demande qu’à y mettre du sien, ce jour-là une solution amiable sera possible à la question de l’Ulster. Si la Convention de 1917-1918 n’a pas mieux réussi, c’est d’abord que l’Angleterre refusait d’accorder à l’Irlande la clef de l’autonomie, c’est-à-dire la liberté fiscale et notamment douanière, mais c’est surtout que les Ulstériens, « mandatés » par la coalition tory-orangiste, ne se trouvaient dans leurs rapports avec les nationalistes ni libres ni responsables : ils étaient là non pour négocier, mais pour faire opposition. Si, au lieu d’une Convention artificiellement composée et délibérant en secret, le gouvernement avait fait appel à une assemblée de représentants élus directement par le pays, et élus dans ce dessein défini d’édifier l’unité constitutionnelle de l’Irlande, représentants qui, ayant tous les pouvoirs, se seraient senti toute la responsabilité, autrement dit une Constituante, et si en même temps l’Angleterre avait définitivement retiré sa main de l’Ulster, il n’y a guère à douter qu’on aurait vu, après des négociations sans doute laborieuses, mais libres et fécondes, se former alors les éléments d’une entente entre les deux Irlande : le demi-succès rencontré, dans des circonstances difficiles, par la Convention de 1917-1918 en est garant.


VII

Malgré ce demi-succès, le gouvernement britannique refusa, nous l’avons dit, d’adopter les bases du rapport de la Convention et de les sanctionner légalement. Au lieu de rallier les modérés de tous les partis autour des centres d’entente trouvés, il rejette le tout. Des lors, le sort en est jeté. C’en est fini, à Londres, de ce qu’on pouvait encore espérer de conciliation, de justice à rendre à l’Irlande ; et en Irlande, c’en est fini aussi de la politique de modération, d’arrangement avec l’Angleterre. De part et d’autre, on va à la rupture. Tout de suite le gouvernement veut appliquer la conscription à l’Irlande, contre l’avis du lord-lieutenant, lord Wimborne, qui se voit alors remplacé par le maréchal French : la conscription, que l’Irlande, pays libre, eût depuis longtemps fait voler par un Parlement national, mais que, sujette, elle se refuse à recevoir, comme un joug imposé, comme une marque d’esclavage, des mains d’une