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Il faudra le concours des auteurs étrangers, puisque ce cosmopolite empruntait de toutes mains, et changeait sans façons la monnaie de tous les pays. Nous soupçonnons seulement l’étendue de sa dette. Nous savons qu’il professait une admiration profonde pour l’Edinburgh Review : il est peu probable qu’elle fût désintéressée ; nous ne savons pas encore à quel point. Les Italiens, dont on ne lisait guère les œuvres en France et dont on ignorait profondément les journaux, semblent avoir été pour lui une véritable mine : nous demanderons aux Italiens eux-mêmes de vouloir bien continuer à la creuser avec nous. Il lisait, il lisait éperdument ; le nombre des volumes dont il parle dans ses mémoires et surtout dans sa correspondance est singulièrement élevé : encore puisait-il dans ceux qu’il ne cite pas, comme les œuvres de Baretti le prouvent. Ce ne sera pas une tâche aisée que de se retrouver dans tout cela. À qui appartiennent les morceaux du livre de l’Amour, lequel ne devait comprendre d’abord que soixante-dix pages, et révéler à des amis choisis ses plus subtiles pensées, ses plus intimes douleurs, et qu’ensuite il remplit de bourre jusqu’à en quadrupler le volume ? À qui appartiennent les digressions dont les Promenades dans Rome sont si manifestement pleines ? Ainsi de suite. Si l’édition de ses œuvres complètes, commencée avec tant de diligence et de soin, n’est pas résolument critique et passe trop vite sur la recherche des sources, elle sera à refaire dans quelques années. Qu’on ne voie point dans ce souci la préoccupation vétilleuse de pédants qui, incapables de comprendre la beauté d’un auteur, s’amusent à dénombrer ses petitesses ; encore moins la vengeance de lecteurs souvent mystifiés, souvent bernés pour avoir eu trop de confiance en lui, et qui veulent prendre au moins quelque petite revanche. Tout au contraire ; c’est question de vérité, scrupule de conscience, nécessité morale de connaître avant de juger. Cette impression de disparate que nous éprouvions souvent à la lecture de Stendhal, nous voyons désormais d’où elle vient : nous avons besoin de savoir au juste quelles doivent être ses limites. Nous sommes dans une galerie de tableaux qui contient quelques chefs-d’œuvre authentiques, mais aussi des copies : nous ne pouvons apprécier l’ensemble avant d’avoir recommencé l’examen, et séparé le vrai du faux. Le doute est né, nous n’en sommes plus maîtres : nous nous devons à nous-mêmes d’apaiser notre