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SUR L’ESPACE ET LE TEMPS SELON EINSTEIN.
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« … J’ai dit plus haut qu’il était impossible de concevoir plus de trois dimensions. Un homme d’esprit de ma connaissance croit qu’on pourrait cependant regarder la durée comme une quatrième dimension et que le produit du temps par la solidité serait, en quelque manière, un produit de quatre dimensions. Cette idée peut être contestée, mais elle a, il me semble, quelque mérite, quand ce ne serait que celui de la nouveauté. »

C’est d’ailleurs certainement Descartes qui, par sa découverte de la géométrie analytique, a fait jaillir le premier l’idée d’un espace a plus de trois dimensions. Puisqu’en effet, en coordonnées cartésiennes, les lignes ou espaces à une dimension sont représentés par les expressions du premier degré, les surfaces ou espaces à deux dimensions par les expressions du second, les volumes ou espaces à trois dimensions par celles du troisième, il était indiqué de se demander si les expressions du quatrième degré et au-delà n’étaient pas, elles aussi, la représentation algébrique de quelque forme d’espace à quatre dimensions ou davantage.

L’espace à quatre dimensions des relativistes n’est, au surplus, pas tout à fait ce qu’imaginait Diderot. Il n’est pas le produit du temps par l’espace, car une diminution du temps n’y est pas compensée par un accroissement de l’espace, bien au contraire.

Considérons deux événements : par exemple les passages successifs, et en vitesse, de notre wagon-lit à deux stations. Pour un voyageur du wagon la distance des deux stations, mesurée par la longueur du chemin parcouru, est, comme nous l’avons montré, plus courte que pour un observateur immobile au bord de la voie. Le temps qui sépare les deux passages est également plus court pour le premier observateur que pour celui-ci, puisque le nombre des secondes écoulées aux chronomètres identiques dont ils sont munis est plus petit pour le premier.

En un mot, la distance dans le temps et la distance dans l’espace diminuent toutes deux en même temps lorsque la vitesse de l’observateur augmente et augmentent toutes deux quand la vitesse de l’observateur diminue.

Ainsi la vitesse (et il ne s’agit jamais, rappelons-le, que de la vitesse relativement aux choses observées), opère en quelque sorte comme un double frein qui ralentit les durées et raccourcit les longueurs. Si l’on préfère une autre image, la vitesse nous fait voir à la fois les espaces et les temps plus obli-