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Les services publics y sont largement installés. Le promaire nous montre au passage, simplement, sans fierté, comme s’il s’agissait d’une chose tout à fait normale, les écoles, les hôpitaux, les salles de conférences, les jardins, etc.

Nous avons demandé à voir un village de Canadiens français. On nous conduit à Yamachiche (un des rares noms indiens conservés dans le pays).

Chemin faisant, nous rencontrons une école de petits garçons qui forment la haie sur notre passage, en agitant de petits drapeaux tricolores ; ils sont encadrés par des Frères. Nous nous arrêtons pour rendre le salut ; le maréchal et l’amiral les passent en revue à leur grande joie et, après quelques mots d’entretien et la demande d’un jour de congé, nous remontons en voiture.

A Yamachiche, la population s’est réunie sur la place de l’Eglise avec, au milieu d’elle, le curé et ses vicaires. Dès que nous paraissons, la Marseillaise éclate, chantée en chœur.

— Vous voyez qu’on la sait partout, murmure l’un de nos guides.

— Parfait ! répond le maréchal, mais c’est un village que nous voulons voir, et vous nous montrez une petite ville !…

— C’est bien un village, mais qui grandit au milieu des champs.

Nous insistons pour voir une ferme, une vraie ferme. On, nous mène alors dans une maison d’apparence modeste ; mais à l’intérieur, salon, salle à manger ; en haut, des chambres coquettes avec lits de cuivre et draps brodés.

Plusieurs se récrient et soupçonnent qu’on les « bluffe. »

— Mais non, répond le sénateur Beaubien qui nous accompagne ; c’est ici l’histoire commune. En même temps que le village se transforme en bourg, en petite ville, ces familles s’élèvent dans l’aisance et la culture générale de l’esprit. Chez nous l’école se bâtit en même temps que l’église ; l’instruction des garçons est poussée très loin, dans l’étude du français en particulier ; les filles vont au couvent et il n’est pas rare de trouver des fermes, de véritables fermes, comme vous dites, où les femmes sont des dames et les hommes des seigneurs de la terre,… comme chez vous d’ailleurs, autrefois.

Et il ajoute :

— Ne pensez-vous pas que l’ancienne France se soit formée ainsi ? Nous suivons l’exemple des aïeux, tout simplement.

De fait, c’est bien en raccourci toute l’histoire de la